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Pour une approche interculturelle en travail social - Théories et pratiques, par Margalit Cohen Emerique

Présentation du livre par l"auteur lors d'une conférence donnée à l'association SIETAR

"Mon livre est la synthèse de nombreuses années d'allers-retours entre pratiques de formation et recherches à partir de la méthode des chocs culturels ; avec une rigueur dans le recueil des données et la découverte de la possibilité de cerner des zones sensibles, car sources d'incompréhension avec des risques de passages à l'acte, de non reconnaissance de l'autre ; une voie pour accéder à des pratiques plus adaptées ; une approche interculturelle des contextes.

1° partie : ma recherche et la modélisation théorique de l'interaction
2° partie : l'approche interculturelle et ses trois démarches.
Chaque fois que vous verrez un lien avec votre expérience, intervenez.

1° partie : ma recherche et la modélisation théorique de l'interaction : travail de recherche, tâtonnements, essais, erreurs, une démarche inductive (à venir prochainement, un livre à partir d'un exposé très développé).
J'ai commencé à former des intervenants au début des années 70, les immigrés étaient très demandés mais considérés comme temporaires et il n'y avait pas une volonté d'intégrer, très peu de services.
Mais à partir de 1975 la seule possibilité d'immigrer a été le regroupement familial, avec un accès aux services communs. Il y a eu alors une forte demande des enseignants, des AS, ES, et particulièrement des enseignants spécialisés avec les migrants.
Difficultés de communication, sentiment d' impréparation, grande diversité des migrants, actions dans l'urgence, manque de soutien des directions et des institutions, populations dépendantes des institutions. Des principes républicains très respectueux de l'égalité mais avec une négation de la diversité et une alternance entre ouverture et fermeture. Depuis la fin des années 90 c'est la fermeture, les ghettos, l'échec scolaire, et ce sont les migrants qui s'adressent aux services sociaux.
Mais sur le terrain j'ai constaté de nombreuses concordances entres les difficultés des travailleurs sociaux français et celles de travailleurs sociaux à l'étranger, qui n'ont pas ce modèle de la république.
J'avais fait une thèse sur l'intégration des juifs d'Afrique du nord, l'expérience de programmes pour les coopérants, la question du bilinguisme.
Plusieurs étapes
Les principes de bases : je pensais qu'il suffisait de transmettre un savoir sur les migrants, approches théoriques sur les processus, alors les acteurs seraient capables d'éviter des erreurs d'interprétation.
Constat d'échec
Après un an ce modèle est inadéquat ;
3 constats :
Malgré les apports théoriques, j'ai constaté qu'il n'y avait pas d'usage de ces outils pour l'évaluation : ils se référaient à leur cadre : psychanalyse, droit....comme si c'était un apport exotique.
Question : pourquoi cette demande sur les savoirs sur les cultures et si peu d'usages de ces savoirs ?
Quels filtres ? Une utilisation sous forme de stéréotypes, mais pas adaptée à tel ou tel individu.
Pourquoi ce processus de naturalisation, de réification ?
3)beaucoup de questions sur des coutumes et pas de recherche de réponses en questionnant les personnes : on disait c'est une question culturelle ; pourquoi ce manque d'ouverture?
Un nouveau paradigme : le centre d'intérêt devait passer des migrants aux professionnels,sensibiliser les intervenants à rechercher les différences culturelles les types de trajectoire, les processus d'acculturation. Je n'ai travaillé qu'avec les migrants légaux.
Percevoir,, reconnaître respecter les différences, ce sont des valeurs fondamentales de l'humanisme, mais cela ne donne rien pour surmonter les obstacles.

Ce Nouveau paradigme a fait émerger l'objet de recherche : étudier l'interaction entre les professionnels, acteurs ayant une fonction et étant dépositaires de missions, et les personnes.
Cette dimension était restée en arrière plan et je l'ai relevée chaque fois.
Cerner les difficultés des professionnels, définir les objectifs de formation avec eux, les sujets d'études et les objets d'études, double objectif.

Les différentes étapes
les connaissances étaient limitées, voir inexistantes concernant le travail des sociologues. Dans les travaux américains : aider les volontaires des peace corps, aider les diplomates,la démarche interculturelle, terme utilisé par l'UNESCO puis par le conseil de l’Europe. Abdalah Pretsey l'a théorisé plus tard Par rapport à la théorie : voir mon livre.
L'apport des praticiens : l' observation d'agents de développement dans le tiers monde par un technicien Suisse, Preiztravailerk, observant méthodiquement les malentendus, dans les années 70, constat d'incompréhensions : il s'agit d'étudier les préjugés et les valeurs, d'examiner les idées par rapport à leur origine culturelle, de ne pas utiliser les outils avant d'examiner cette dimension.
Cela a influencé mon approche. Un enseignement original donné à Honolulu, par la méthode du choc culturel ; vie chez l'habitant sans rôle professionnel, avoir le plus de contacts, noter sur un cahier toutes les situations de choix culturels. Sans l'accompagnement, des stéréotypes négatifs, avec le tutorat, développement de la tolérance self développement, décisif pour moi.
Je ne soupçonnais pas que des praticiens puissent subir un choc dans leur propre pays, écarter de l'esprit tout le négatif ; quand j'ai proposé d'en parler, beaucoup l'ont fait sans jugement.
Définition des chocs culturels = une expérience individuelle (pas un choc de civilisation) avec des personnes hors de leur contexte, engagées dans l'approche de l’étranger, sur un mode positif ou négatif.
Un épisode critique ou fait inconvenant (Max Weber) permet de rendre plus visible des éléments fondamentaux de l’interaction, le sens les distorsions, les ressentis et orientations.

Nous avons intériorisé notre culture de façon souvent non consciente = il s'agit d'une prise de conscience du cadre de référence, d'une prise de conscience des zones sensibles.
Cela permet plus d'ouverture, une décentration qui permet d’accéder à une certaine neutralité interactionnelle : le choc est un révélateur de sa différence avec l'autre, le contraire de la tradition qui explique d'abord par la différence de l'autre ; situationnelle ; Cadre complexe, historique, avec des contentieux produits de l'histoire, avec des affects très forts, à l'origine de préjugés tenaces, ancrés dans l’identité collective. Ces dynamiques s'actualisent dans la rencontre, même si aucun des protagonistes n'est impliquée dans l’histoire.

Les malentendus apparaissent quand on se situe comme neutre culturellement. Il faut créer un dispositif de recherche pour constituer un savoir à ce sujet.

La méthode des incidents culturels
Une narration par écrit d'une interaction dans un temps et un lieu donné, avec une situation bloquée ; ne pas confondre avec les études de cas en présence d'un expert.
Construction d'une grille en 7 points (annexe 1 du livre avec une illustration de chaque point. Analyses collectives , travail en sous groupe, on inscrit les analyses de chacun des items sur un paper board et on partage en grand groupe.
Les données recueillies ont des thématiques récurrentes qui ont fourni le matériel par rapport au sens et par rapport aux valeurs qui sous tendent les représentations.
Paradigme compréhensif, une approche qualitative et non chiffrée, une analyse pluridisciplinaire.
L'analyse a conduit les stagiaires à prendre de la distance, ensuite j'ai pu intégrer des savoirs ethnologiques.
Modélisation de l'approche interculturelle : voir le schéma.
La décentration : découvrir son cadre ; pénétrer le système de l'autre ; une dynamique identitaire, pas une simple rencontre de la diversité.

2° partie
La décentration
Le cadre de référence, ce ne sont pas des notions erronées, mais des affects à expliciter. Cette analyse va permettre d'accéder à ce qu'on rejette et ce à quoi on adhère.
Les travailleurs sociaux sont déjà formé à réfléchir à leur implication.
L'orientation sur autrui est très tenace.
Les zones sensibles : La représentation de soi, en référence avec son corps et son intégration dans l'espace et le temps, la socialité et le don, les croyances et pratiques religieuses, les représentation de la famille des rôles et des statuts de ses membres, l'éducation de l'enfant, l'attitude des parents vis à vis de la scolarisation.
Les zones sensibles : là où le professionnel est le plus interpellé, choqué (+ rarement enthousiasmé), un processus dynamique qui impliques des compétences, que j'ai préféré nommer « ressources », pas un comportementalisme (comment travailler avec tel pays..).
La représentation de soi, en référence avec son corps et son intégration dans l'espace et le temps : le corps est très important mais on a peu conscience.
J'ai assisté à des funérailles qui donnent lieu à des chocs culturels très forts ; les visites à domicile ; l'organisation de l'espace, les modes de vie, le corps est touché.
Le Breton : la société créée des codes qui font que le corps est refoulé par la ritualisation Mais quand on confronté à des rites où le corps est très marqué, purifier la maison dans le monde musulman, où chez les Mong, le corps est filmé ; rituels funéraires chez les amérindiens. Le corps dans l'espace et la proxémie ; les AS contrôlent : combien par chambre. Exemple de situation où les enfants n'ont pas de place et une chambre sert de mosquée.
La proxémie, notion de promiscuité, très reliée à la dimension morale.
Le corps porteur de l'identité de genre. ex les femmes invitées à table avec les hommes et les femmes de la familles servant et mangeant ailleurs.
Une mixité partout, le corps portent le reliquat de la séparation des sexes. Immergée dans une autre culture somatique, le corps ressurgit, malaise profond
La toute puissance des modèle d'intervention et les difficultés d'adapter certaines méthodes, par exemple l'évaluation de la maltraitance qui se fait toujours avec les seuls parents géniteurs en contradiction avec ceux qui intègrent toujours des ascendants ; la même valeur accordée à la parole de la mère et du père, le poids de la parole comparables des enfants et des parents ; le principe central de l'autonomie de la personne alors que dans les sociétés holistes le principe c'est la prééminence du groupe.
Un certains nombres de praticiens refusent d'intervenir s'il faut accommoder ces modèles ; des dogmes intouchables enfermant les professionnels poussant à pathologiser.
Les praticiens ne sont pas aidés : très peu de groupes de recherche, très peu de travail de relativisation.
Le principe c'est la supériorité du monde occidental. Les normes de management qui empêchent la réflexion, le modèle républicain.
Heureusement que la maturité personnelle et professionnelle permettent des ajustements.
Sans prôner un changement radical (ces migrants vont s'installer), nécessité d'accommoder.

La découverte du cadre de référence de l'autre = écouter, observer, laisser émerger certains sentiments, parler de soi ; ça heurte les principes de neutralité et non implication.
Sans cette connaissance du dedans il n'y aura pas de compréhension. Pas aisé pour les travailleurs sociaux de se repérer.
Dans le livre beaucoup d'obstacles qui nécessitent une formation.
Un exemple : les processus d'attribution de causes aux conduites différentes : j'ai pas réussi parce que...; il a échoué parce que.. un fonctionnement cognitif très profond
En psycho-sociologie, deux tendances :

  • à l'intériorisation : la norme d'internalisation est une erreur fondamentale car elle produit un oubli du contexte. Elle est forte chez les professionnels avec grilles de lecture psychanalytiques.
  • à l'externalisation Dans beaucoup de sociétés traditionalistes, la tendance est à l'externalisation : c'est le destin.
Dans nos sociétés qui cultivent la raison, c'est rejeté.
Un exemple d'écart entre les deux attributions. Comment le client rejette l'auto-attribution Exemple : un psychologue québécois par rapport à un choc ; une mère haïtienne qui attribue les problèmes de délinquance de sa fille au fait que la compagne du père aurait ensorcelé sa fille avec des rites vaudou.
La mère malgré la préparation, l'a répété au juge.
Pour le psy, il faut que la mère prenne conscience de sa part dans les problèmes de sa fille. Il prévoit des entretiens pour qu'elle puisse parler de sa part à elle, pour éviter un placement. Si elle montre un peu de prise de conscience de son rôle il n'y aura qu'un suivi éducatif et pas un placement. Mais elle maintient sa vision ; le psy est déçu, migrant il pensait pouvoir la comprendre mieux.
Comment prendre en compte le rejet de l'attribution interne : d'abord écouter, prendre en compte le conflit culturel de la 2° génération, étudier si le modèle matri-focal n'est pas mis en difficulté par la migration ; S'il avait intégré l'explication il pouvait faire plusieurs hypothèses.
Éviter l'ethnocentrisme qui rejette l'explication de l'autre et réfléchir aux fondement même des processus de de décodage.
Processus complexes ; représentations du changement qui sont fausses :
  • le changement comme processus linéaire et cohérent
  • une représentation simpliste de l'identité du migrant comme qq chose de figé dans la culture
  • la construction identitaire complexe et conflictuelle des jeunes issus de l'immigration.
Les rapports de pouvoir et leur négation dans la relation d'aide.
Le postulat humaniste d'une relation avec l'aidé dissymétrique et non dominatrice le discours sur « soi prêt pour l'autre », une relation d'aide disjonctionelle
La démarche de négociation médiation
très peu de matériel sur ce thème, les travailleurs sociaux pourraient suivre les orientations du conseil de l'Europe : intégrer cette notion de négociation.
Un débat fondamental de l'approche interculturelle ; intégration ou assimilation ? égalité ou équité ?
Les limites d'ordre psychologique, culturel, institutionnel, politique.

Lire aussi le texte: les médiateurs sociaux et culturels : passerelles d'identité

Grille d’analyse des situations interculturelles, proposée par Margalit Cohen Emerique

  1. Qui sont les acteurs en présence dans cette situation interculturelle, leurs identités (âge, sexe, origine, profession, etc.) ? Leurs types de rapports et les rapports entre les groupes d’appartenance ? En quoi sont-ils proches et en quoi sont-ils éloignés ?
  2. La situation dans laquelle se déroule la scène (contexte physique, social, professionnel, psychologique, etc.)
  3. La réaction de choc : sentiments vécus et éventuellement les comportements qu’elle a suscités.
  4. Les représentations, les valeurs, les normes, les conceptions, les préjugés… tout ce qui constitue le cadre de références de la personne qui a vécu le choc.
  5. Quelle image se dégage de l’analyse du point 4 concernant la ou les personnes qui ont déclenché le choc (neutre, légèrement négative, légèrement ridicule, négative, très négative, «stigmatisation», positive, très positive, réelle, irréelle…) ?
  6. Les représentations, les valeurs, les normes, les préjugés…tout ce qui constitue le cadre de références de la personne ou du groupe qui est à l’origine du choc ayant provoqué le choc chez le narrateur.
  7. Cet incident critique pose-t-il un problème de fond concernant soit la pratique professionnelle, soit de façon générale le respect des différences en situation interculturelle ? Peut-on faire quelques propositions pour résoudre cette situation ?
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Pour une approche interculturelle en travail social - Théories et pratiques, par Margalit Cohen Emerique [1ère de couverture]

Pour une approche interculturelle en travail social - Théories et pratiques, par Margalit Cohen Emerique [1ère de couverture]


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