Notes d'une conférence d'Isaam Idriss à l'IRTS Paris ile de France
Qu’est ce qu’une famille en occident ? on ne sait plus, il y a de multiples définitions pouvant contenir des formes très variées . Quand on a un problème, on essaie de le conceptualiser ; un concept c’est un fourre tout pour cerner provisoirement la réalité. Voyons le concept de parentalité (c’est un mot qui ne figure pas dans le dictionnaire). C’est donc un mot qui cherche à cerner des formes très différentes. Ce n’est plus l’église qui définit la forme que prend le fait d’être parent.
On n’est plus dans la parenté (lien transgénérationnel de filiation) mais dans la parentalité (liens transgénérationnels d’affiliation).
Les juristes ont repéré 24 formes de familles, qu’ils traitent au quotidien (par rapport aux héritages, à l’autorité parentale, aux placements…) ; il y aura bientôt une 25° forme (homo parentalité). S’il y a 25 formes il y en aura 26 (clonage ?). Les psys, juges, médecins, travailleurs sociaux doivent accompagner ces évolutions. Les théories, les lois doivent être retouchées pour mette à jour les dispositifs d’accueil et d’accompagnement par rapport à ces nouvelles problématiques.
Si la famille suit ce parcours en occident, dans d’autres cultures c’est presque immuable ; l’évolution est beaucoup plus lente et il faut plusieurs générations pour l’observer (3, 4 ou 5 générations). En occident, chaque génération dicte sa règle et la loi suit. Dans d’autres cultures il y a une règle immuable : la soumission à la génération précédente. Cette règle transcende les générations.
Dans une société qui ne plus de règle mais des lois qui changent vite ces bouleversements génèrent des troubles qui ne figurent pas dans les nosographies.
La règle N+1 (le nombre des enfants doit être supérieur à celui des adultes)
On trouve une définition constante de la famille aussi bien en Afrique noir qu’au japon, en Afrique du nord ou chez les Mosso en Chine : la famille est l’unité de base, unité existentielle dans laquelle le nombre d’enfants est supérieur à celui des parents. 2 parents cela suppose 3 enfants pour faire une famille stable. S’il y a plus d’adultes, il faut n +1 enfants. C’est une règle immuable et ça génère une organisation qui fait qu’on n’a pas besoin d’un juge quand il y a un décès ou un divorce ; ça n’angoisse personne car personne ne peut imposer son désir.
Avantage : on ne pense pas
Inconvénient : pas de subjectivité.
Cela donne des rapports d’éducations qui divergent, qui sont plutôt transmis affectivement qu’enseignés sur un mode cognitif.
La famille est l’unité existentielle de base, l’emboîtement dans une suite, pas une agglomération, une imbrication qui lie les axes vertical et horizontal. Il est difficile de se subjectiver sauf par la formation.
Il faut donc être au minimum 5, mais 5 c’est la précarité, ça n’est pas rassurant ; 3 enfants c’est précaire ; les familles précaires ne pèsent pas. La famille idéale, c’est 7 enfants ; le poids de 7 enfants, ça a une consistance inégalable, ça n’est pas comparable à celui qui a fait 1, 2 ou 3 enfants. La famille idéale c’est enfant par jour ; la famille parfaite, c’est 9 enfants ; on écoute celui qui a fait 9 enfants, on lui montre du respect.
Ces organisations répondent à des mythes fondateurs et à des interdits fondamentaux, des règles organisatrices à ne pas braver, sinon il y a des désordres (et pas des pathologies).
Dans la culture maghrébine et d’Afrique de l’ouest, le parcours de l’homme est un parcours migratoire. On est migrant car la patrie de l’homme c’est ailleurs ; chrétiens, musulmans il y a un ailleurs. L’humanité ne peut se définir par elle-même, il faut une instance extérieure : les ancêtres, les dieux, Dieu, ou les esprits.
Il y a deux univers dynamiques, les exigences des invisibles et les réponses des humains. Les hommes ne seront jamais des divinités, et inversement. Il y a une dichotomie humains/non humains, hommes/femmes, pères/mères ; des dichotomies qui donnent la vie, sinon c’est l’absurde, le désordre. L’ordre, c’est la succession des dichotomies, avec des tiers.
Par exemple les esprits de l’eau, l’Ebolla, on ne les voit pas ; si on les voit c’est qu’on est fou.
Une autre dichotomie : l'ici et l'ailleurs.
Là-bas, pas de questions au niveau de l'individu concernant le fait de se marier, de faire des enfants : ce sont des modalités d 'une dette transgénérationnelle, d'une dette de vie. On ne peut être libre si on a pas remboursé sa dette en donnant soi même la vie. C'est la conquête de la liberté ; sinon ma parole reste hypothéquée par cette dette : je reste fils ou fille de ; être adulte c'est être parent, sinon il faut attendre 42 ans pour être adulte (6 fois 7)
La règle des septennats
Les rituels, d'inscription, de prévention, se font dans une logique de septennats
Pendant le 1° septennat, de 0 à 7 ans, l'enfant est dans le monde maternel, le monde des femmes ;
A 7 ans les enfants sont arrachés aux mères, c'est un acte rituel.
Le sevrage par exemple est un acte rituel, il faut au moins 11 personnes - la mère n'a pas le droit de le faire seule- et consiste à sevrer l'enfant, mais aussi la mère, pour protéger la femme /la mère.
La mère et le père doivent penser à leurs enfants comme futurs parents.
A 14 ans, c'est la fin de l'éducation. Dans ce 3° septennat le jeune adulte (ce n'est plus un enfant) doit se préparer à devenir parent.
Quelqu'un de 40 ans qui n'a pas d'enfant est soumis à la jeune femme de 15 ans qui est maman.
Tout le groupe est au service des enfants jusqu'à 14 ans.
A 9 X 7 = 63 ans, c'est la perfection.
Une famille commence à 5
Un couple a l'angoisse de rester à 2, il faut passer à 3 (si après 4 ans il n'y a pas de 3, on l'introduit, avec un enfant ou un adulte) ; passés à 4, c'est divisible par deux, ça ne va pas, il faut passer à 5
A deux parents + trois enfants, il y a un équilibre, la règle N+1 est respectée et la famille peut se détacher des grands parents. La liberté familiale c'est à partir du 3° enfant.
Une famille qui migre à 5, dans cette configuration, a rarement des problèmes.
Origine mythique de la règle N+1
La première dualité génératrice d'angoisse, c'est l'homme et les dieux, ou l'homme et Dieu
Le divin est parfait, le 1° homme aussi, mais d'une perfection relative : il est parfait mais il s'ennuie.
Dieu lui donne alors un compagnon, un autre (c'est le 1° clonage !). Ce 1° corps a accouché d'un autre, semblable et dissemblable (tu es moi et tu es autre...) La découverte de l'altérité est aussi celle du plaisir : chacun touche le corps de l'autre, plaisir fortuit, vient alors le désir de plaisir permanent, de fusion.
Dieu pose alors la question : tu ne voulais pas être seul et tu veux fusionner, c'est pas clair : si vous voulez fusionner, il faut le faire là bas, sur terre.
Dieu a fait 9 orifices dans le corps masculin, il faut, dans l'idéal, 9 enfants pour boucher ces 9 orifices
Combien faut-il d'enfants pour la femme : 12 : 1 pour elle, et 11 autres car elle a 11 orifices. Cela explique qu'il faille 11 personnes pour faire un rituel.
Dans le comptage des enfants, on compte les fausses couches : c'est un ventre =une vie. L'enfant n'a peut-être pas souhaité vivre et il est dans le monde invisible à préparer l'arrivée de sa mère.
Dans certaines cultures traditionnelles l'homosexualité ne pose pas de problème si l'homme ou la femme fait des enfants.
Accompagnement et prise en charge
L'approche interculturelle : les enfants de migrants sont dans le transculturel, du métissage. Risque que la société d'accueil veuille qu'ils ne soient que français, ou que leurs parents veulent qu'ils ne soient que du pays d'origine.
Les professionnels doivent analyser le contre transfert culturel : la somme des émotions face à des valeurs différentes. Une dialectique entre ce qui a le plus de valeur. Il faut travailler à ce que les enfants ne soient pris dans l'annulation des valeurs de leurs parents.