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Une conférence de Philippe Jeammet : comment un mineur devient-il violent ?

Dans cette conférence très accessible et stimulante, Philippe Jeammet propose un rapport inédit entre créativité et agressivité.
Il nous montre que les personnes violentes sont particulièrement dépendantes de leur environnement. Faute de sécurité interne, de confiance en soi, l'adolescent ou l'adulte impulsifs dépendent du regard d'autrui et ont du mal à régler la distance interpersonnelle. Appuyé sur des suivis à longs termes et les témoignages de nombreux adolescents devenus adultes Philippe Jeammet propose une hypothèse surprenante : violence et créativité, c'est la même chose.
La violence c'est la créativité du pauvre : si je n'ai plus rien à espérer, il me reste toujours cette possibilité : détruire, moi, les autres.
Dans les hôpitaux de jour, P Jeammet a remarqué la fréquence des passages à l'acte, c'est à dire des ruptures relationnelles dans lesquelles l'autre est traité comme un objet. A chaque fois, c'est parce qu'il y avait des situations de rapproché faisant ressentir à l'adolescent le risque d'une dépendance. Ce propos de P Jeammet vient en écho de ceux de P Steinhauer (avec la notion de détachement permanent) et Michel Lemay (avec la notion de brisure).

La pathologie c'est quand la rencontre avec l'autre ne peut plus être nourrissante car elle est trop ressentie comme une menace.

La violence c'est primaire : les êtres vivants sont programmés pour la défense du territoire, avec trois comportements : l'agressivité, la fuite ou l'offrande.
Dans la violence contre soi même, par exemple les scarifications, P Jeammet entend ses patient lui dire : ça me soulage. D'où une autre hypothèse : l'ensemble des troubles psychiatriques serait des comportements adaptatifs pour régler la distance et défendre son territoire et la conscience de soi même Notre territoire c'est la représentation de soi et celle que les autres ont de nous. A l'adolescence il y a moins l'appui sur les parents et la passion peut venir réparer le sentiment de fragilité. Mais la passion c'est la porte ouverte à la déception
Toute une gamme de comportements sont à mettre en lien avec la peur de l'échec : éviter un examen, une orientation...
L'anorexie, par exemple, soulage car permet une maitrise de l'alimentation, de l'image de soi.. L'alcool, la drogue, ça soulage. On passe facilement de la violence contre soi à la violence contre autrui. Le suicide est un comportement paradoxal de survie : redevenir agent de sa vie avec un malentendu : si ça me soulage, alors c'est bon. Cette activité réflexive fait de nous des êtres addictifs, car nous savons que nous allons mourir, que nous ne serons jamais complets. Nous sommes aussi des êtres de valeurs; nous pouvons choisir en fonction de nos valeurs. Cela nous rend plus libres par rapport à nos instincts. A ses patients prisonniers de leurs émotions, P Jeammet évoque l'image du taureau dans l'arène : on peut le faire tourner avec un chiffon rouge, et propose : redonnez-vous une capacité de choix.
Pour cela il faut dissocier l'émotion et la représentation; les jeux de rôles sont à cet égard des outils précieux particulièrement avec les personnes violentes. Elles ont toujours de bonnes raisons d'être violentes et ça les soulage. Mais quand elles sont témoins d'une violence similaire à la la leur, elles la condamnent fermement.
Les émotions nous empêchent d'avoir un raisonnement valide ; nous sommes, beaucoup plus qu'on le croit, prisonniers de nos émotions.
Pas un choix, une pente, avec l'impression d'avoir un pouvoir. La réflexivité nous rend tributaire d'un miroir;
Je n'ai aucune valeur est une valeur très contraignante, on s'y accroche : il ne reste que celle là. P Jeammet voit aussi la destructivité dans ce mouvement qui pousse à être l'acteur de sa propre déception. Les personnes très émotives se défendent contre l'autre : l'émotion c'est l'autre qui rentre en moi Derrière la carence, l'attente et la peur de l'autre.
L'émotion qui était faite pour nous protéger devient le cheval de Troie de l'autre. D'où une tendance à se jeter sur les sensations : les émotions je ne les choisis pas, les sensations si.
Dés qu'on est touché émotionnellement les conduites sont très répétitives, pathogènes car elles rendent dépendants. Redonner de la liberté : retrouver de la confiance ; cela suppose de retrouver des compétences. Cela suppose de lutter contre la déscolarisation.
Il faut pouvoir imposer des soins en expliquant à l'anorexique, au toxicomane, au délinquant : vous êtes prisonniers, c'est autre chose que vous voulez. C'est un temps limité, il faut pouvoir savoir où l'on va. Par exemple ne pas demander à l'anorexique une adhésion aux soins. Si quelqu'un est prisonniers de comportements il faut se battre. P Jeammet cite un père demandant l'arrêt des soins pour sa fille anorexique : « arrêtez l'acharnement thérapeutique, si elle veut mourir c'est son choix ». Non, elle se sent vivre au travers de son anorexie ; ça la soulage, mais ça n'est pas un choix.
La destructivité, c'est, face à la déception, le moyen que trouve l'homme pour redevenir acteur de sa vie.

Date de cet article : 2010-08-03


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