philippefabry.eu, pour la formation en travail social Philippe Fabry » Formation » Les problématiques du travail social » Marwan Mohammed. L’implication des jeunes dans le trafic local de drogues. Marwan Mohammed. L’implication des jeunes dans le trafic local de drogues.Marwan Mohammed, sociologue, a soutenu en 2007 une thèse intitulée « La place des familles dans la formation des bandes de jeunes » au Centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales (CESDIP). En 2009, il a intégré le CNRS qui le nomme au Centre Maurice-Halbwachs. Il a également animé un séminaire sur les normes et déviances à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Ses thèmes de recherche portent sur les normes, les déviances et la réaction sociale, les jeunesses populaires, les sorties de délinquances, le trafic de drogue et le racisme. Il est l’auteur de divers ouvrages dont « Les Sorties de délinquance : théories, méthodes, enquêtes », aux éditions La Découverte, 2012 (publié sous sa direction) et « La Formation des bandes de jeunes. Entre la famille, l’école et la rue », aux PUF, en 2011. Voici une prise de notes d'une conférence organisée par la Mission Métropolitaine de Prévention des Risques (MMPR) "J'ai travaillé sur la formation des bandes, puis sur la sortie de la délinquance, ce qui concerne la plupart des délinquants. Mais certains sortent beaucoup plus tard : ceux qui s'engagent dans le trafic et pour lesquels il y a une prolongation de carrière dans la délinquance. Un travail de recherche, des rencontres qui m'aident beaucoup ; vitales pour un sociologue, pour voir la diversité des configurations selon les territoires ; des dizaines d’entretiens avec les jeunes et avec ceux qui les recrute, leurs employeurs ; voir une réflexion sur les stratégies de management sur ce personnel-là On est amené à parler avec les acteurs Je ne suis pas le premier sociologue à travailler sur la question, des collègues le font depuis 30 ans ; la sociologie du trafic est séparée de la sociologie des usages ; pour les jeunes cette séparation n'a pas de sens ; on a peu étudié la question du rajeunissement, du trafic peu visible, en zone rurale, en milieu aisé ; peu d’éléments sur l'amont Dans d'autres pays des études sur l'amont. La sociologie est focalisée sur les milieux populaires et le bout de chaîne. j'y échappe peu mais j'essaie de travailler sur le milieu rural, et de ne pas focaliser sur les milieux populaire mais c'est difficile. Chez beaucoup de professionnels, même de la justice et de la police, beaucoup de « à ce qui parait », des informations partielles, des doutes, des ragots, rumeurs, étudier n'est pas chose aisée. Les questions des usages et des trafics sont presque inséparables, les jeunes sont consommateurs, une partie est impliquée pour financer sa propre consommation ; les jeunes massivement trafiquent du cannabis et participent au système de revente. Un tableau de l'organisation le plus souvent une structuration pyramidale, mais ce n’est pas le seul mode. Un produit a été fabriqué quelque part, entre la production l'importation, la distribution et la revente il y a une segmentation qui renvoie à une division du travail. Les acteurs ne sont pas les mêmes. Les grossistes à l'échelle régionale ne connaissent pas les producteurs, même si on voit émerger des productions locales (ça reste très minoritaire). Cette division du travail est aussi économique avec différents pouvoirs Les spécialistes de l'importation ne font que ça, les spécialistes du transport se font une marge, avec soit des pros qui ne font que ça ou des français qui vont directement acheter, avec des go fast ou des go slow (ex : des retraités qui présentent bien) Je n'ai pas rencontré de jeunes majeurs dans l'importation, ils sont en bout de chaîne avec deux fonctions, soit guetteur, soit charbonneur = soit revendeur-caissier, soit agent de sécurité ; certains sont rabatteurs Selon les territoires il y a des configurations différentes. On se focalise sur le trafic visible à l'échelle locale, mais une partie qui implique les jeunes n'est pas visible : ceux qui livrent à domicile, ils sont étudiants, travaillent et livrent. Des jeunes qui ont capital scolaire supérieur à ceux qui sont posés dans des spots. Ils ont un capital social, relationnel et dégagent un revenu grâce à leur portefeuille client La structuration à l'échelle locale dépend de beaucoup de choses ; d'un quartier à l'autre, d'une ville à l'autre, c'est différent ; d'un spot à l'autre des managements différents, c'est une question importante qui va déterminer la façon de gérer le business, le rapport aux riverains, aux pros, aux pouvoirs publics locaux. C'est facilement discuté entre trafiquants ; il y a deux stratégies : celle du « four », agressif, avec privatisation d'un immeuble, domination agressive sur l'environnement ; la liberté de circulation des habitants dépend des gérants ; à l'inverse il y a des techniques qui visent de bonnes relations avec l’environnement ouvrir les portes, porter les courses, ne pas uriner, ne pas salir…soft trafic ; Dans le premier cas les habitants auront une demande de sécurité ++, dans l'autre on peut avoir des alliances objectives. L'aménagement du territoire a des conséquences directes. En face d'un métro, d'une fac, d'un lycée, en termes de marché c'est différent que dans un quartier pauvre isolé. Le poids économique des gérants. Des gérants qui ne font que du détail et des zones de transit de gros et demi gros, des grosses têtes ; des gens qui viennent pour 25 g, 50 g mais aussi pour un kilo, deux. Plus le quartier est déserté par les services publics et plus la structuration est anomique ; à l'inverse la présence institutionnelle va obliger les pros à s’accommoder. Il y a essentiellement des garçons ; j'ai croisé des jeunes filles dans la livraison, moins visibles ; les filles en poste dans des spots, c'est rare. L'âge varie entre 10 ans et je me suis arrêté à la majorité ; les petites mains entre 14 et 18 ans, en échec scolaire ou déscolarisés, déjà impliqués dans d'autres formes de délinquance ; les liens distendus et conflictuel avec leur famille ; je laisse de côté les rares familles où c'est une affaire familiale (là, pas de condamnation par la famille). Il y a souvent au contraire des familles où la condamnation est très ferme au début et moins ensuite. Pour ceux qui livrent à domicile c’est plus périphériques, certains ne travaillent que l'été, c'est un job d'été. Une diversité de profils.
Quatre grandes logiques d'engagement
Deux types de cooptation : quand les gérants cherchent des profils, des petits délinquants déjà un peu formés, qui connaissent les codes de la rue, savoir se taire, ne pas parler, respecter les secrets, puis il y a des jeunes portent leur candidatures, avec rapprochement physique progressif, « tiens tel discute de plus en plus avec untel »
Date de cet article : 2014-10-16 Philippe Fabry » Formation » Les problématiques du travail social » Marwan Mohammed. L’implication des jeunes dans le trafic local de drogues. |