La réduction des risques et des dommages liés aux conduites addictives
15 recommandations pour un changement d'orientation de la politique des drogues en France.
Extrait de la présentation : "La politique des drogues et des addictions est en pleine évolution dans le monde. Des pays amorcent de véritables virages, mais, dans ce contexte, la France s’en tient à la continuité d’une politique basée à la fois sur la prohibition totale des drogues illégales et la frilosité face aux drogues licites (tabac, alcool) malgré leurs graves conséquences sur la santé publique.
Pourtant, face aux évolutions sociétales et aux progrès des connaissances scientifiques, les acteurs de l’addictologie français ne cessent de modifier profondément leurs conceptions et les modes d’intervention depuis au moins une ou deux décennies. Ce changement de « logiciel» peut se résumer à travers le développement d’une stratégie d’action, dans les soins et la prévention pour toutes les addictions: la réduction des risques et des dommages (RdRD).
Plutôt que de «lutter contre» des produits et des comportements et de ne donner comme perspectives aux personnes ayant un problème avec ces conduites que la stigmatisation et l’abstinence, la RdRD vise en priorité à prévenir et à diminuer les conséquences négatives, sanitaires et sociales, des conduites addictives, avec de biens meilleurs résultats tant pour la société que pour les individus."
Extrait du rapport: "Le concept de RdRD n’est pas seulement une approche alternative du soin mais un nouveau regard porté sur les phénomènes d’addictions inscrivant dans la société une situation de rupture morale, idéologique et politique. Cette rupture libère un mouvement issu du terrain qui crée sa propre dynamique fondée sur l’absence d’exigence et l’inconditionnalité de l’accompagnement, le droit du libre choix et la valorisation du savoir des usagers. Cette inconditionnalité suppose le respect d’un projet thérapeutique (cure) au profit d’un projet de soins (care) destiné à prévenir le mieux possible les dommages de la consommation. Toutes ces personnes n’ont été jusqu’ici prises en considération que si elles étaient soit dans une perspective de sevrage (alcool) soit dans une demande de traitement de substitution (opiacés, tabac).
Cette RdRD n’exclut pas l’abstinence comme objectif mais elle la relativise dans les propositions offertes aux personnes. En fait, la RdRD repose sur une approche gradualiste qui s’adapte à leurs capacités, leurs attentes et leur environnement devant toute conduite addictive. Cette approche est destinée pour beaucoup de ces personnes à rompre leur isolement, leur sentiment d’abandon et de développer leur capacité d’agir (empowerment). Ce principe permet la création d’une alliance entre les consommateurs et les intervenants, l’usager de drogues et la personne ayant une conduite addictive étant considérés comme experts de ses pratiques et acteurs du projet. Cette approche est d’autant plus importante qu’elle s’impose après une histoire difficile."
L'exemple de l'alcool
"En France, 45 à 50 millions de personnes sont, de manière occasionnelle ou chronique, consomma-
trices d’alcool. Si, pour une large majorité, cette consommation ne pose aucun problème, on estime
que ce sont entre trois et cinq millions d’individus qui sont exposés ou subissent les conséquences
négatives, directes ou indirectes, de leur usage.
Les représentations liées à la consommation d’alcool s’imposent à nous et fondent largement notre
regard sur la question. La pression sociale contribue d’abord à favoriser la consommation puis à
exclure, isoler, augmenter les souffrances de celles et ceux qui s’en écartent et leur stigmatisation.
Il n’est donc pas étonnant que ces personnes puissent attendre plusieurs années pour solliciter de
l’aide quasi exclusivement associée à l’idée d’abstinence et ce, d’autant plus que le regard social ren-
force leur sentiment de honte et de culpabilité."
La politique de réduction des risques s'adapte aux situations et peut proposer plusieurs possibilités d'accompagnement en fonction des désirs et possibilités de la personne:"Les axes possibles d’accompagnement doivent aujourd’hui permettre, en
prenant en compte les attentes des consommateurs :
1° L’arrêt au moyen du sevrage (médicalisé ou non, résidentiel ou ambulatoire...).
2°Le réaménagement des consommations en vue d’en réduire les dommages. Il peut s’agir d’une modification quantitative (réduction des consommations, consommation contrôlée...) médicalisée ou non, d’une modification qualitative (rythme de consommations, modalités, contexte
ou environnement, type d’alcool consommé...).
3°.L’accompagnement des consommations telles qu’elles existent, sans perspective immédiate
d’un changement des pratiques avec pour priorité la sécurisation des personnes et de leurs usages (mise à l’abri, accès aux soins, aux droits et à la reconnaissance...)."