Cours sur l'approche systémique de Palo Alto, par Cynthia Fleury
J'ai repris sous forme de texte cette vidéo (voir plus bas) et ajouté des liens vers les auteurs cités.
Bateson, Jackson, Watzlawick, ont fondé le Mental Research Institute (MRI) en 1958, et le premier objet clinique, c’est les familles : comment concevoir une psychothérapie qui serait menée conjointement avec les familles ? Tout l’enjeu -que l’on retrouve également chez Ronald Laing et sa conception du « nœud familial – est de laisser de côté les méthodes classiques, individuelles et intrapsychiques, pour une nouvelle méthode de traitement. Une nouvelle façon de conceptualiser les problèmes humains. Avec une définition particulière de ce qu’est un problème.
Au cœur de la systémie il y a cette idée : le problème c’est la solution, une façon de solutionner qui renforce le problème. Pourquoi ce mécanisme, qui consiste à refaire la même chose et renforcer le dysfonctionnement… ?
Les théories naissent dans des contextes épistémologiques spécifiques. Par exemple la psychanalyse, qui est fondée sur la 1° loi de la thermodynamique, avec la circulation et la conservation de l’énergie et le modèle hydraulique d’un fluide, dotée d’une viscosité, la libido. Le modèle de causalité est linéaire, unidirectionnel : A affecte, B qui devient son effet, B affecte C…. Le passé affecte le présent et l’avenir. La question de l’origine, de la genèse des troubles est centrale
Là, la compréhension du passé n’est pas la condition ; on laisse de côté la question de l’énergie, de la causalité et l’on met au centre le concept d’information. C’est le concept d’information qui remplace le concept d’énergie
On s’intéresse à La 2° loi de la thermodynamique, la néguentropie, c’est-à dire l’entropie négative (1° loi = l’entropie). « La néguentropie caractérise le degré d'ordre introduit par l'information que l'on possède sur l'état d'un système. ». Le principe est cybernétique, la causalité est circulaire, rétroactive, écosystémique. L’élément central est donc l’information et tous les processus de communication sont analysés pour comprendre les troubles.
Ce qui importe, c’est l’ici et maintenant : qu’est-ce qui interagit ? Comment je travaille sur les interactions et sur la perception de ces interactions ? C’est plus la question de la réception que le contenu lui-même. Il y a une différence forte entre la réalité et la perception de la réalité.
Le changement ne dépend pas d’une compréhension approfondie des causes des évènements dans le passé. Dans le cadre de la cybernétique, une transformation ne se définit ni par rapport à ce qui est vraiment, mais sur ce qui arrive, et pas sur le pourquoi.
Comment ça se passe. Savoir où on en est avec… Exemple classique, conjugal, comment s’enclenche « plus de la même chose » ; ce qui est en lien avec deux conceptions du mouvement, de type 1 (changer pour ne pas changer) et de type 2 (changer).
J’ai un problème, j’essaie d’y réponde, le problème se renforce, c’est une cause majeure de consultation : un problème identifié, puis un cycle de dysfonctionnement comportemental qui renforce le problème.
Comment je créée une rupture paradigmatique ? Comment ma perception va changer à ce point que je produits une action qui est une vraie solution ? Ce n’est pas simplement un changement de perception, par exemple, alors qu’il y a de la maltraitance, « ah en fait il m’aime, c’est merveilleux » … non, c’est une solution qui émancipe.
L’exemple du baron de Münchhausen qui raconte qu’il s’est sauvé de la noyade en se tirant lui-même hors de l’eau en se tirant pas les cheveux. Ce qui renvoie, à « la solution bizarre », celle du sujet qui ne subit plus les définitions du problème et se prend en main.
Exemple : une femme ne reçoit pas assez d’informations de son mari pour savoir où elle en est avec lui, quels sont ses sentiments, ce qu’il pense d’elle, etc… Alors elle va chercher les réponses, en lui posant des questions, en surveillant son comportement… Lui trouvera son manège excessivement indiscret, fâcheux. Jusque-là rien de pathologie, ils agissent avec des idées différentes de ce que devrait être leur degré d’intimité et de compréhension mutuelle. Le problème n’est pas chez lui et n’est pas chez elle, mais : qu’est-ce qu’ils fabriquent dans leur interaction ? On connaît en clinique, ils se renvoient la balle, « tu es ceci, tu es cela… ». Les idées de l’un et de l’autre ne sont pas fausses en soi, mais ils ont une interaction vouée à l’escalade du type « plus de la même chose », c’est-à-dire redoubler d’efforts alors que ce sont ces efforts qui rendent impossible la solution.
Comment les émotions participent-elles de cette « écologie de l’esprit » ?
Grégory Lambrette rappelle que les émotions sont une composante essentielle des interactions. Nous les entretenons avec nous-même, avec le monde, et elles sont déclenchées, entretenues par nos croyances et par notre perception de la réalité. Elles nous accompagnent, influencent nos agissements, viennent favoriser ou freiner des apprentissages. En tout cas il y a un déterminisme émotionnel, elles viennent déterminer vos actions.
Ignorer ces émotions c’est se couper de tout ce qui participer à la rationalité humaine, mais surtout de tout ce qui fait partie du problème. Qu’est-ce qu’un problème ? Selon la théorie interactionniste un problème est une difficulté normale de la vie, sauf que cela devient un problème quand ce n’est pas une difficulté ordinaire de la vie mais identifiée comme récurrente… Un problème peut être normal mais récurrent et maintenu par les solutions tentées pour le résoudre. Et donc le travail du thérapeute est d’empêcher la personne de répéter les comportements intentionnellement mis en place pour régler le problème pour le faire disparaître ou redevenir une simple difficulté de la vie.
On va d’abord 1° identifier le problème, 2) la tentative de solution. On demande simplement à celui qui vient = les systémiciens disent souvent le client, mais celui qui va faire avancer la solution souvent n’est pas là, mais qui est identifié dans le système de l’interaction. Parfois il peut venir, parfois non, et ce n’est pas toujours nécessaire. Quelle est la tentative de solution : qu’est-ce que vous faites. Décrire sans interpréter. Souligner l’inefficace de cet agissement et comment on va mettre en place le thème thérapeutique pour pouvoir proposer complètement autre chose, « le virage à 180°. Exemple donné dans le texte de Lambrette, avec les feed-back positifs qui empêchent le problème de se solutionner et on délivre le thème thérapeutique. Un homme qui boit trop, le conjoint lui dit « arrête de boire », cache ou casse les bouteilles, fait diversion, le surveille… de multiples tentatives de solutions. Et l’homme n’arrête pas de boire. Ils vont voir le thérapeute qui dit « tu es libre de continuer à boire si tu le veux », virage à 180°. Cela semble inopérant mais cela répond méthodologiquement au fait d’inverser la solution inopérante. On propose un cadre d’expérience autre : tu es libre de continuer à boire si tu veux. Enlever le territoire d’interdiction qui vient renforcer le piège. On pourra traiter le problème avec l’assentiment du patient.
Nous envisageons de façon très fermée ce qu’est un problème et ce qu’est une solution, et on se trompe sur les deux. Qu’est qu’une solution ? Tout simplement quelque chose qui va créer un impact de transformation considéré comme positif. C’est mieux de ne pas boire, mais si « tu peux boire si tu veux » a un impact, c’est cela qui conduit à une solution, une réduction, un frottement qui se fera, ou pas. Une culture a posteriori des résultats. D’ailleurs les thérapeutes systémiques donnent des exercices, de perception, de comportement. Agir de telle sorte alors que d’habitude on agit pas du tout comme cela et vous allez me dire ce qui se passe. Par exemple, « vous allez arrêter de crier », « oui, mais j’ai raison de crier » ; « c’est un exercice, vous arrêtez de crier et on voit ce qui se passe ». Si ce qui surgit est jugé par vous comme une amélioration, on verra ».
C’est compliqué car les gens souvent considèrent que c’est de la manipulation, par exemple, « si je ne dis rien, tout roule », mais plus profondément il s’agit d’étudier les interactions et ce qui empêche une solution. Cela passe par le fait d’identifier une série d’émotions. Il y a quatre émotions primaires, quatre couleurs : la peur, la colère, le plaisir, la douleur et la tristesse et ces émotions se subdivisent entre les émotions qui poussent à agir et celles qui poussent à ne pas agir. C’est ambivalent. Prenons la colère, elle peut à agir ou paralyser. C’est là que la clinique, le colloque singulier est important, et pas seulement l’écosystème. Mais « la pragmatique de la communication interpersonnelle » s’intéresse à la manière dont s’articule une commination et comment s’intègrent « les je et les jeux », en focalisant sur la structure opératoire des échanges. Donc une approche cybernétique, avec une causalité circulaire.
Une des phrases qui revient souvent est : on ne communique pas, on prend part à une communication. C’est cela qu’on va chercher à étudier, cette dynamique d’interaction, et comment on n’occulte pas le émotions et au contraire comment on va s’en servir.
Autre point important : tout est communication. On ne travaille pas seulement sur la verbalisation : on ne peut pas ne pas communiquer. On peut ne pas parler, mais on ne peut pas ne pas communiquer et l’école de Palo Alto va s’intéresser au verbal et au non verbal, comment ça interagit. On n’est pas dans le processus analytique ou c’est essentiellement la verbalisation, la symbolisation, l’interprétation qui prend la main sur la cure, c’est autre chose, et par exemple des exercices qui peuvent aussi être donnés dans le langage non verbal : une manière de se tenir, de se mettre près ou pas, et qui participent d’une tentative nouvelle de solution, d’un thème thérapeutique.
Toute communication a deux mode, le digital et l’analogique. Le langage digital a une syntaxe, logique complexe, apprise en commun avec des règles, une grammaire, mais qui manque d’une sémantique (la signification du sens des signes) appropriée à la relation. A l’inverse l’analogique possède la sémantique mais pas la syntaxe. Un exemple de communication analogique c’est par exemple un sourire, une mimique, un silence... Cette communication archaïque est riche de sens et parfois déterminante. Un moment déterminant dans la construction du soin c’est que cette communication analogique fonctionne. Le transfert, souvent il se passe là, simplement dans une manière d’être en face du patient. Et très souvent les patients le disent : quand l’analogique n’est pas en rapport avec le digital, il y a quelque chose qui ne passe pas, il y a un truc qui alerte sur le fait que la confiance ne se met pas en place. La confiance se met en place quand il y a une cohérence entre ce qui est dit et ce qui est ressenti. On a vu avec Winnicott le holding comme soutien pour aller vers le monde. L’élaboration imaginative de la mère passe aussi par-là : une manière de tenir, de caresser un front, et même de ne rien faire, de regarder. Et là il y a un apaisement. Le digital est de nature symbolique.
Jackson membre important du MRI reprend la définition de Shiboutani dans « Society and Personality » qui définit la perspective interactionniste : « les hommes agissent souvent en fonction de certains modèles, qui tiennent moins à leur instinct qu’à la nécessité où ils se trouvent de s’adapter à leurs semblables ».
Lire des extraits de « Society and Personality ».
Le propre de la perspective interactionnelle est de soutenir que la nature humaine et l’ordre social sont des produits de la communication. On peut donc – et on se rappelle Ronald Laing qui perçoit la folie comme une réponse à un contexte – considérer les symptômes, les défenses, la structure du caractère, la personnalité comme les termes qui décrivent les interactions typique de l’individu en réponse à un contexte interpersonnel particulier.
Evidemment un grand contexte interpersonnel particulier, c’est la famille. En étudiant le contexte familial on a des indications précieuses sur les modes typiques d’interaction ; on va en lister quelques-uns. L’école de Palo Alto c’est aussi la théorie du « double bind », la double entrave, la double contrainte. Le thérapeute est aussi celui qui traque les injonctions paradoxales dans lesquelles les personnes sont prises au piège et qui sont liées à un certain type d’interaction.
On revient sur le concept important de rétroaction : l’information concernant l’événement B vient heurter l’évènement A, rétroaction, qui a son tour affecte B. Les évènements se modifient de façon circulaire. Il s’agit donc de réfléchir à cet enchevêtrement, d’une complexité exaspérante mais qui fait qu’en l’identifiant on est capable de travailler avec ces interactions familiales. Jackson pose aussi le problème, qu’à l’époque, les psychiatres se soucient plus d’épingler une étiquette sur le patient que d’étudier comment il en est arrivé à se faire épingler. Là-aussi une problématique : sous une même étiquette sont rassemblés des comportements qui répondent à des contextes extrêmement divers, ce qui participe à la solution qui vient renforcer le problème.
Une des notions qui est posée est le principe d’équifinalité, tout simplement le fait de comprendre – et là la causalité linéaire ne suffit pas – c’est comment des contextes profondément différents et des personnalités profondément différentes arrivent à produire à un même acte et un état semblable. Comment des personnes qui n’ont rien à voir tombent toutes dans un burn-out ? Un cas d’école, équifinalité. C’est différent si l’on part des personnes ou si l’on part de : qu’est-ce qui est en train de se passer ?
Il est essentiel de ne pas oublier la précarité fondamentale d’un recours au symptôme comme point de départ d’une recherche sur l’interaction familiale. Quand on fait du symptôme un point de départ, la situation se complique du fait que la nosologie -le système psychiatrique de classification de la déviance – se fonde sur l’individu, fonctionne en circuit fermé, sans se référer à l’observation du comportement.
Baser l’analyse du fonctionnement d’une famille sur le symptôme d’un de ses membres c’est introduire une prévention abusive concernant cet individu, ce qui rend plus difficile l’analyse des processus interactionnels. Là, l’étude c’était essentiellement les schizophrènes et leurs familles et il s’agissait de ne pas dissocier le soin du schizophrène et le soin de la famille. Le tout est plus que les parties ; ce qui est intéressant c’est de travailler sur le tout et c’est ainsi que l’on pourra faire que les parties se libèrent de leur sentiment d’être piégées per ce tout.
Qu’est-ce que la famille ? La famille est un système régit par des règles ; ses membres se comportent entre eux d’une manière répétitive, organisée et ce type de structuration des comportements peut être isolé comme un principe directeur de la vie familiale. Donc on a différents styles idiosyncrasiques et culturels de la vie familiale. C’est en travaillant sur le tout que l’on identifie chacun des personnages et c’est en travaillant sur les tiers que l’on peut éventuellement faire varier quelque chose. Les cliniciens ne s’empêchent pas de faire venir tel ou tel membre de la famille, qui n’a pas fait de demande au départ, mais ça rentre dans les possibilités. On n’est pas dans la relation analyste-analysant où tout se fait là.
Les questions de double-bind Lutter contre le mythe de la normalité. Jakson : « la personne normale ? Cet animal n’existe pas ; il existe en revanche un grand nombre de modèles adaptatifs et de répertoires comportementaux. Et c’est là que le contexte social est important car s’il y a pluralité des modèles adaptatifs, il y a ensuite l’acceptabilité d’un modèle adaptif par la société. La façon dont une personne agit dépend de la culture, de la sub-culture, le groupe ethnique, le groupe familial. Et nous avons tendance, dit Jackson, à oublier que les valeurs se transforment ; Il donne exemple : il fut un temps où il était convenable pour les demoiselles de rougir… C’était une réaction valorisée par la société. Aujourd’hui si une personne rougit tout le temps, cela apparaitra anormal. La normalité n’est qu’un mythe.
Le postulat de Palo Alto et des thérapies brèves est que nous sommes porteurs de solutions, la solution est déjà en nous, parce qu’un être humain a une plasticité adaptative extraordinaire, qui est limitée par un déterminisme émotionnel qui va la réduire. « Toute thérapie est autothérapie, pour l’excellente raison que toute thérapie est une entreprise de changement, et que l’on ne peut jamais que se changer soi-même. Poursuivre un objectif thérapeutique qui n’est pas celui du patient est contraire à l’éthique » (Stephan Hendriks).
Le postulat de compétence « Le postulat de compétence proclame que le client possède déjà en lui les ressources, les compétences, les capacités d’auto-guérison et de changement. Dès lors, la thérapie vise moins à installer de nouvelles compétences qu’à activer celles qui existent déjà chez le client. Il s’agit d’une conception reposant sur un constat maintes fois répété en hypnose clinique : on ne peut aider une personne à changer qu’en faisant appel à sa propre expérience ».
On cherche à mettre en œuvre cette capacité d’auto-actualisation. Ce que dit Stephan Hendriks c’est que le patient est l’expert de sa vie, alors que le thérapeute est l’expert des processus de changement. Il s’agit d’installer une dialectique entre les deux.
Postulat du primat du relationnel
C’est au sein des schémas interactionnels que se situent les clefs du maintien du problème, ou, au contraire, de la solution. Il va falloir mettre en place une focalisation sur ls interactions, avec cette idée de modifier l’expérience relationnelle de la personne. C’est plus simple de modifier des stratégies relationnelles que des convictions identitaires – je suis ainsi- on peut continuer d’être ainsi et avoir un type de relations différent. On tente de mettre en place des expériences émotionnelles correctrices. L’enjeu est d’amener le patient à s’exposer à une situation émotionnelle susceptible de bouleverser ses schémas cognitifs et interactionnels dans une vision positive. On essaie de créer l’opportunité de pratiquer de nouveaux comportements.
Postulat de la durée Les thérapies systémiques ont émergé autour de l’idée d’un changement – on vient pour faire quelque chose, pouvoir agir- mais dans un temps court, en tout cas pas indéfini. Pour Hendrick, la durée participe du soin. Comment le fait que ce ne soit pas une durée indéterminée fait que je vais mieux ? Parce qu’est identifié un efficace de la méthode, une possibilité d’évaluer la méthode avec des critères. Une durée indépendante du client suppose un apriori de compétence, d’efficacité de la méthode. Limiter l’intervention dans le temps constitue un méta-message sur la thérapie, le fait que le thérapeute ne doute pas compétences de la méthodologie. La limite temporelle créée une tension mobilisatrice. Le simple fait d’introduire le facteur temps va induire un certain type d’attitudes, tant chez le thérapeute que chez le patient, et de fait les patients préparent davantage, comme s’il fallait optimiser la séance. Il faut optimiser l’émergence d’expériences émotionnelles correctrices.
Les deutéro-apprentissages Autre point important pour Hendrick, le fait de se référer à ce que Bateson a nommé < a href=« https://fra.wiki/wiki/Deuteroapprendimento »>« les deutéro-apprentissages ». Bateson s’est intéressé aux dauphins et à leur apprentissage. Tout part d’une séquence classique : un dresseur va récompenser un dauphin pour l’apprentissage d’une figure. A chaque fois qu’il fait la figure il est récompensé. Mais le dresseur arrête de récompenser le dauphin qui, perturbé, va faire de nouvelles figures, non prévues par l’instructeur. Et à ce moment le dauphin va être récompensé pour avoir inventé un inédit. Mais cela ne suffit pas : de nouveau le dresseur va arrêter de récompenser, car le but n’est pas de répéter de nouvelles figures, mais, deutéro, deuxième apprentissage, apprendre à faire de nouvelles figures. Le mammifère passe donc d’un stade où c’est la réponse qui compte en soi – accomplir une figure précise, interaction de type 1- à un stade où c’est le fait d’être créatif, d’inventer des réponses nouvelles et qui ne sont pas attendues.
C’est cela que cherche Palo alto, de pouvoir rechercher des possibilités d’auto-solution, d’auto-guérison, des deutéro-apprentissages permettant de créer de nouvelles solutions, et non pas de répéter d’anciennes solutions. Une solution pers de sa potentialité à partir du moment où elle est répétée. L’enjeu est de changer sa conception du monde aussi souvent que nécessaire. La thérapie c’est apprendre à construire une solution inédite.
La double contrainte Le double bind est le terme identifié comme deux contraintes incompatibles entre elles, où l’obligation de respecter l’une entraine la transgression de l’autre. Ce qui donne un caractère insoluble à la situation. « Sois spontané » est l’exemple souvent donné par Palo Alto, « sois naturel ». Il peut y avoir des situations dans lesquelles on ne peut que perdre ; ça aussi c’est une forme de double contrainte
Les doubles contraintes fonctionnent aussi avec la disqualification transactionnelle : il est possible de disqualifier tout ce qui se produit dans la communication. Au cœur de la santé mentale il y a les problèmes de communication interpersonnelles et notamment les formes communicationnelles pathogènes qui dévalorisent le moi.
Trois grandes formes de disqualification transactionnelle La tangentialisation disqualifiante : c’est une métaphore, « prendre la tangente » ; exemple : un enfant montre fièrement à sa mère un ver de terre. La mère lui dit froidement : « lave-toi les mains immédiatement ». Voyant les mains sales de l’enfant, elle laisse en plan la communication de celui-ci. Elle commence une séquence communicationnelle nouvelle sans relation avec celle proposée par l’enfant. Elle aurait pu dire, « n en effet, voici un beau vers », puis un message nouveau, « va te laver les mains.
Couper une séquence communicationnelle. C’est quasiment nier le sujet en face et ça produit de la dévalorisation. Un des partenaires est dévalorisé par la réponse de l’autre.
La technique confusionnelle, décrite chez Erikson. C’est toujours des exemples mère-enfant (on en aimerait d’autres !) : un enfant dit à sa mère : « tu me traites comme un enfant ». Celle-ci répond : « mais tu es mon enfant ! ». Elle ne répond pas au même niveau.
La mystification. C’est ce qui met le destinataire dans une situation intenable : « ce que tu vois est faux, moi je te dis ce qui est réel. Laing a beaucoup écrit là-dessus : toute personne mystifiée se retrouve dans un état confusionnel, ce qui ne signifie pas forcément qu’elle ressente cet état. Cela se jour en famille où remettre en question la figure d’autorité du père, de la mère peut être impossible et cela conduit à des situations inextricables. La mystification, c’est ce qui empêche de mettre en place une réflexion méta-communicationnelle, une communication sur la communication, qui permettrait de dire que ce qui est dit là est faux.
Soigner quelqu’un, c’est l’aider à passer de l’interaction type 1 à l’interaction type 2. Inversement, rendre quelqu’un malade, c’est l’obliger à une interaction de type 1 en permanence. L’exemple donné par Watzlawick est celui d’un échange entre une mère et sa fille schizophrène qui ne laisse à cette dernière que le choix entre folie et méchanceté.
La mère :
« Je ne t’en veux pas de me parler ainsi, je sais que tu ne le penses pas »
La fille : « Si je le pense »
La mère : « non, je sais que tu ne veux pas dire cela, mais tu ne peux pas faire autrement »
La fille : « mais bien sûr que je peux »
La mère : « Je sais que tu dis cela parce que tu es malade et que tu ne peux faire autrement. Si je pensais un seul instant que tu n’étais pas malade, je serais fâchée contre toi. »
Dans la clinique, on a souvent cela, le fait qu’un membre de la famille, ou du couple, prend la main sur la définition de l’autre, de ce qu’il est, de ce qu’il pense, et qu’il n’a pas la possibilité d’accéder à ce qu’il pense, à ce qu’il est. Et cela participe grandement du problème. L’enjeu est un rapport de pouvoir.