Comme dans l'
exercice de psychopédagogie n° 1, voici deux textes traduits des travaux (disponibles uniquement en anglais) de Vera Fahlberg :
- Autoriser les enfants à avoir des sentiments
- Expliquer aux enfants ce qui leur arrive.
Les étudiants ou professionnels auxquels je fais faire
le cas "Marilyne" me disent souvent qu'il ne leur a pas été facile de se mettre à la place de l'enfant, qu'ils ont l'habitude d'être dans la position de l'adulte qui explique à l'enfant mais pas à la place de l'enfant. Chercher à comprendre comment l'enfant comprend est donc nouveau pour beaucoup.
Vera Fahlberg montre que si on se met à la place de l'enfant, alors apparaissent deux confusions dangereuses pour le développement et l'estime de soi de l'enfant :
- la confusion entre sentiments négatifs et attitudes négatives - Vera Fahlberg montre qu'il faut lutter contre les attitudes négatives, mais accueillir précieusement les sentiments négatifs, favoriser leur expression ;
- et la confusion entre les places des différents parents : parents biologiques, parents légaux et parents qui élèvent l'enfant.
Pour comprendre ce que Vera Fahlberg entend par
parenting parent, le parent qui élève, qui "parente", il faut comprendre la notion créée par Anna Freud de "parent psychologique" d'après le constat que le fait d'élever un enfant fait de vous un parent, crée une parenté, même si ce n'était pas souhaité au départ.
Cette notion vient attaquer les représentations dominantes dans le travail social en France où les professionnels doivent garder de la distance, ne pas adopter affectivement l'enfant, ce qui reviendrait à voler la place des parents. Si on suit Anna Freud, un adulte qui élève un enfant dans la longue durée, même comme éducateur dans le cadre d'une institution, devient d'une certaine façon parent psychologique de cet enfant.
1. Autoriser les enfants à avoir des sentiments
Tous ceux qui sont impliqués dans l'accompagnement du placement de l'enfant ont besoin d'autoriser l'enfant à avoir des sentiments. Parfois cela peut être fait en parlant d'autres enfants : "Certains enfants placés ont dit qu'ils étaient surtout tristes ; d'autres ont dit qu'ils avaient surtout peur et d'autres qu'ils étaient surtout en colère. Toi, est-ce que tu ressens un de ces sentiments ?". Certains enfants ont besoin qu'on leur explique ce qu'est un sentiment. "Quand je suis énervé, c'est comme si quelque chose sautait dans mon estomac". Certains disent qu'ils ont "des papillons dans l'estomac".
Les travailleurs sociaux, les parents de naissance et les parents d'accueil ou parents adoptifs doivent apprendre à laisser l'enfant exprimer ses sentiments. Même quand les adultes disent qu'ils veulent que l'enfant exprime ses sentiments, c'est sous forme verbale. Quand l'enfant a des émotions et pleure, hurle ou exprime sa rage, les adultes lui disent d'arrêter. Les enfants comprennent que cela veut dire : arrêter d'avoir ces sentiments.
Quand les enfants expriment leurs sentiments forts par des moyens inacceptables, les adultes peuvent accepter le sentiment, l'émotion, mais pas le comportement. Ils peuvent apprendre à l'enfant à exprimer le sentiment d'une manière plus acceptable. Par exemple si l'enfant en colère frappe un congénère, l'adulte peut lui dire : "Je sais que tu es très en colère, d'accord, mais je ne te laisserai pas taper quelqu'un quand tu es en colère. Quand tu es en colère, tu peux trouver un objet pour taper dessus. Tiens, tu peux taper sur cette peluche de Bozo le clown".
Quand un enfant est déplacé d'une maison à l'autre, les adultes ne devraient pas l'isoler pour le punir. L'envoyer dans sa chambre c'est lui dire : quand tu es méchant je ne veux plus te voir. Beaucoup d'enfants s'expliquent les placements par le fait qu'ils ont été méchants ou qu'ils n'ont pas été à la hauteur. Isoler l'enfant c'est renforcer cette erreur de perception et c'est le replonger dans tous les sentiments négatifs liés aux séparations précédentes. Isoler un enfant peut être adapté pour un enfant qui n'a pas vécu de séparation traumatique, mais cela n'est pas une bonne technique quand l'enfant est fragilisé par les séparations. Le schéma 1 illustre le cercle vicieux qui s'établit quand les attitudes négatives sont punies par un isolement.
On peut travailler à sortir de ce cercle négatif si l'adulte reste avec l'enfant dans la même pièce jusqu'à ce qu'il se calme. "Je resterai là jusqu'à ce que tu retrouves ton calme. Quand tu as des émotions aussi fortes, tu as besoin de quelqu'un à côté de toi et pas de te retrouver tout seul".
2. Expliquer aux enfants ce qui leur arrive
Trop souvent, on n'explique pas aux enfants ce qui leur arrive quand ils sont placés. Le placement familial peut sembler évident aux travailleurs sociaux mais n'a pas de sens pour l'enfant. Nous avons développé une méthode pour expliquer l'accueil familial aux enfants. L'idée est d'expliquer le rôle des nombreuses figures parentales dans leur vie, et de souligner qui est responsable de quoi.
Nous dessinons trois cercles comme ceux du schéma 2 :
Nous expliquons que :
- Chaque naissance suppose deux parents. On ne peut rien y changer. Chaque enfant a sa mère de naissance et son père de naissance ; personne ne pourra jamais changer cela.
- Tous les enfants dans notre société ont également des parents légaux. Les parents légaux prennent les décisions majeures de la vie de l'enfant.
- Le parent qui élève l'enfant est celui qui assure au quotidien la réponse à ses besoins de soins, d'éducation et de discipline.
Pour la majorité des enfants ce sont les mêmes deux parents qui sont leurs parents de naissance, leurs parents légaux et qui les élèvent. Mais dans l'accueil familial et l'adoption il en va autrement et ces différentes fonctions sont séparées.
- L'enfant placé a toujours deux parents de naissance.
- Dans le cas d'un placement volontaire, le parent légal peut être le parent de naissance et l'exercice du rôle de parent est partagé entre le parent de naissance et l'agence de placement. La signature du parent légal est requise par exemple si l'adolescent veut devancer l'appel et rejoindre l'armée, alors que l'agence a le droit de choisir la famille d'accueil et l'école où va l'enfant. Quand l'autorité parentale a été retirée suite à un jugement, c'est un service judiciaire qui détient l'autorité parentale.
- Quand l'enfant est placé, la famille d'accueil devient celle qui l'élève et quand il y a conflit sur qui devrait être le parent légal et qui devrait être le parent qui éduque, la justice tranche.
Quand l'enfant retourne dans sa famille d'origine alors qu'il est toujours suivi par l'agence, le schéma 2 peut expliquer les responsabilités de chacun.