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La parenté nourricière dans les placements de longue durée en famille d’accueil.

La parenté nourricière a été conceptualisée en France à la fin du 19° siècle.
Emile Alcindor la décrit ainsi dans le nouveau dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson (1911)
Elle s'appuie tout d'abord sur une critique sévère des internats :
« III. – Education familiale. – 1) Jusqu'à treize ans. – Le principe, consacré par une longue expérience qui date de l'arrêté du 30 ventôse an V (mars 1797), est de placer tous les enfants sous le régime de l'éducation familiale.
Deux raisons dictent la conduite de l'administration. La première, ce sont les inconvénients des internats, notamment des orphelinats, « où l'illusion du foyer domestique n'est donnée à personne. L'éducation collective place l'enfant dans des conditions de milieu toutes différentes de celles où il sera appelé un jour à lutter. Même adolescent, il ne voit guère que ses maîtres, ses camarades, les serviteurs de la maison ; il ne prend que rarement et superficiellement contact avec les choses du dehors ; il vit dans un monde fermé, de même qu'il respire une atmosphère confinée, et lorsque, sans expérience pratique de la vie, il sort de l'établissement, il est seul (Circulaire du 18 mai 1900). »

La deuxième raison invoquée par Emile Elcindor est à la base du modèle de la parenté nourricière jusqu'aux années 1960, modèle dont la dimension adoptive est clairement mise en avant : « La seconde raison est le désir de faire prendre racine à l'enfant dans une nouvelle famille. C'est là l'objectif principal poursuivi par l'administration.
Pour faciliter l'adoption de son pupille par la famille où elle l'a mis, l’administration tient la main à ce qu'il soit sur le pied d'égalité avec les autres enfants de la maison, et elle veille à ce que rien, de son fait, ne puisse les différencier les uns des autres. Ainsi le choix de la conduite à tenir en matière religieuse est laissé au père adoptif, qui traite son pupille comme ses propres enfants ».

Ce modèle de parenté nourricière a eu une grande influence en Europe et existe toujours. Ainsi le conseil de l’Europe a publié, en 1987, une recommandation sur la famille nourricière qui a eu impact sur les lois suisses, belges et allemandes. Contrairement au modèle initial, très substitutif, la parenté nourricière s’inscrit désormais dans une pluriparentalité, avec comme visée de défendre une double appartenance de l’enfant ou du jeune.

Le déni de la parenté nourricière par le droit français.
L’expression est de Jacqueline Pousson-Petit (1997): « en droit français, il est difficile de trouver une trace de la famille nourricière. Le code civil ignore le concept ». Elle note que des périphrases sont utilisées pour le remplacer : « la personne à laquelle l’enfant est confié », ou « tiers digne de confiance », ou « tiers recueillant ». Pour J. Pousson-Petit, cette absence – qui se retrouve aussi dans les autres codes (CASF, code de la sécurité sociale) – est le signe d’une méfiance du droit à l’égard du placement de l’enfant en dehors de sa famille. Des différents codes il ressort que le placement doit être exceptionnel et provisoire. « Le droit français, dans toutes ses branches, refuse la formule intermédiaire de la famille nourricière. Il repose sur une illusion, voire une utopie : la réintégration de l’enfant dans son milieu d’origine. »
Comme tout doit être fait pour que le placement soit provisoire, le fait qu’il dure peut être analysé comme un défaut de mise en œuvre des mesures qui auraient permis le retour en famille. Ce déni juridique fait de la famille d’accueil « un intermède de non droit entre deux plages de droit qui correspondent à la famille naturelle et à la famille adoptive ». Son résultat est de priver les enfants durablement placés d’une solution intermédiaire entre placement et adoption dont une partie des enfants placés aurait besoin.
Un autre effet de ce déni est de ne prendre en compte que l’assistant familial et de mettre dans l’ombre l’aspect familial de l’accueil, donc le conjoint de l’assistant familial et la fratrie : « De fait, la tendance à l’oubli du père et de la fratrie participe là encore d’une ambigüité, celle de ne pas faire une place effective à la famille d’accueil, donc de dénier sa fonction potentielle d’enracinement pour l’enfant, et de ne considérer dans celle-ci que la mère, alors même que la notion de substitut maternel a été abandonnée comme inadéquate à ce que l’on attend de sa fonction.
Conséquence, la “ mère ” d’accueil est à la fois une mère qui n’en est pas vraiment une et une professionnelle qui n’est qu’à moitié reconnue comme telle, et le père un délégué à une fonction symbolique rendue absente ; cette absence s’appuyant sur la non-reconnaissance de sa présence concrète (et de celle de la fratrie). »

Intégrer les recommandations du conseil de l’Europe se traduirait par des droits accordés aux parents d’accueil : celui d’être reçu par le juge des enfants avant toute décision ; celui de faire appel des décisions ; obtenir des transferts d’autorité parentale après une certaine durée d’accueil.

Pour en savoir plus, voir le site web : aifris.eu/03upload/uplolo/cv5901_1364.pdf

Date de cet article : 2008-02-02


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