De nombreuses institutions présentant le métier d’éducateur spécialisé font référence à cette définition : «L’Educateur Spécialisé concourt à l’éducation d’enfants et d’adolescents ou au soutien d’adultes présentant des déficiences psychiques, physiques ou des troubles de comportement ou en difficulté d’insertion, en collaboration avec tous ceux qui participent à l’action éducative et sociale. Il apporte aux familles en difficulté un soutien éducatif. »
Cette définition pose un problème à bon nombre de professionnels de l’éducation spécialisée car elle ne désigne les problèmes sociaux que du côté des personnes accompagnées, comme si le contexte social était indifférent, comme si les déficiences et les difficulté d’insertion ne concernaient que les individus.
Les textes accompagnant la réforme du diplôme d’état d’éducateur spécialisé comportent plusieurs définitions. La première figure dans l’article 1 du décret n°2007-89 du 15 mai 2007 :
« le diplôme d’état d’éducateur spécialisé atteste des compétences nécessaires pour accompagner, dans une démarche éducative et sociale globale, des personnes, des groupes ou des familles en difficulté dans le développement de leur capacités de socialisation, d’autonomie, d’intégration ou d’insertion. »
Là encore, bien que plus axé sur les capacités des personnes accompagnées, le focus semble ne porter encore que sur leurs difficultés.
La "définition de la profession et du contexte de l’intervention » figurant dans l’annexe 1 du décret («référentiel professionnel») est rassurante à cet égard. Ce texte, qui traduit une vision globale du secteur, contient par exemple ce point : «L’éducateur spécialisé développe une fonction de veille et d’expertise qui le conduit à être interlocuteur et force de propositions pour l’analyse des besoins et la définition des orientations des politiques sociales ou éducatives des institutions qui l’emploient.»
Voici la définition complète :
« 1.1 Définition de la profession et du contexte de l’intervention.
L’éducateur spécialisé, dans le cadre des politiques partenariales de prévention, de protection et d’insertion, aide au développement de la personnalité et à l’épanouissement de la personne ainsi qu’à la mise en œuvre de pratiques d’action collective en direction des groupes et des territoires.
Son intervention, dans le cadre d’équipes pluri-professionnelles, s’effectue conformément au projet institutionnel répondant à une commande sociale éducative exprimée par différents donneurs d’ordre et financeurs, en fonction des champs de compétences qui sont les leurs dans un contexte institutionnel ou un territoire.
L’éducateur spécialisé est impliqué dans une relation socio-éducative de proximité inscrite dans une temporalité. Il aide et accompagne des personnes, des groupes ou des familles en difficulté dans le développement de leurs capacités de socialisation, d’autonomie, d’intégration et d’insertion.
Pour ce faire, il établit une relation de confiance avec la personne ou le groupe accompagné et élabore son intervention en fonction de son histoire et de ses potentialités psychologiques, physiques, affectives, cognitives, sociales et culturelles.
L’éducateur spécialisé a un degré d’autonomie et de responsabilité dans ses actes professionnels le mettant en capacité de concevoir, conduire, évaluer des projets personnalisés ou adaptés à des populations identifiées. Il est en mesure de participer à une coordination fonctionnelle dans une équipe et de contribuer à la formation professionnelle d’autres intervenants.
L’éducateur spécialisé développe une fonction de veille et d’expertise qui le conduit à être interlocuteur et force de propositions pour l’analyse des besoins et la définition des orientations des politiques sociales ou éducatives des institutions qui l’emploient. Il est en capacité de s’engager dans des dynamiques institutionnelles, inter-institutionnelles et partenariales.
L’éducateur spécialisé intervient dans une démarche éthique qui contribue à créer les conditions pour que les enfants, adultes, familles et groupes avec lesquels il travaille soient considérés dans leurs droits, aient les moyens d’être acteurs de leur développement et soient soutenus dans le renforcement des liens sociaux et des solidarités dans leur milieu de vie.
L’éducateur spécialisé intervient principalement, mais sans exclusive, dans les secteurs du handicap, de la protection de l’enfance, de la santé et de l’insertion sociale. Il est employé par les collectivités territoriales, la fonction publique et des associations et structures privées.»
Une définition venue de Suisse
Nos voisins Suisses romans ont adoptés avant nous une réforme très proche dans l’esprit, et, de mon point de vue, plus complète. Les textes de présentation de la réforme contiennent une définition que je trouve remarquable :
« FINALITES DE L'EDUCATION
L’éducation spécialisée, dans sa conception et sa pratique, est une profession qui tient difficilement dans une définition achevée. Sans doute parce qu’elle s’adresse à l’humain et qu’elle mobilise chez le professionnel des registres à la fois distincts et reliés : le rapport à l’autre, le poids du contexte social où se joue ce rapport, les savoirs mobilisés et le sens de l’action pour les acteurs engagés.
L’éducateur spécialisé contribue à prévenir, réduire ou à résoudre des problèmes sociaux divers : désinsertion sociale, dépendances, précarité des conditions de vie, handicaps, marginalité… Ces « problèmes sociaux » ont toujours un visage, une histoire, une singularité pour lesquels il n’y a pas de réponse standard toute prête à appliquer. A chaque fois l’issue est à chercher, le projet à construire, avec et pour l’autre …
Les cadres de l’intervention professionnelle varient au gré du développement des politiques sociales concernant les personnes ou les groupes de personnes susceptibles de bénéficier d’une pratique éducative : internats, foyers, lieux de vie, domicile, atelier, rue…
Ces différents lieux géographiques mais aussi symboliques, juridiques constituent une des dimensions de l’exercice de la profession dans la mesure où ils déterminent en particulier des formes, des rythmes et des durées de relation entre les acteurs qui seront très différents selon qu’on se côtoie dans un internat quotidiennement et durant des années ou que les rencontres soient fortuites comme dans un centre d’accueil à bas seuil ou lors d’une activité de prévention ou d’information large par exemple.
Les professionnels ont besoin de disposer de savoirs pour faire face, pour comprendre, pour agir. Savoirs qui renvoient à des connaissances académiques, à des expériences réfléchies, à des techniques et procédures, à l’examen de ses propres réactions, de ses propres pensées… Savoirs interrogés également quant à leur fécondité pour le développement et la place de la profession dans le champ des pratiques du travail social.
Toute action du professionnel de l’éducation a (devrait) avoir du sens pour orienter ces actions (la visée, le but) et pour leur donner une signification (la rendre intelligible autant que faire se peut par les acteurs). La fonction éducative est là une activité de communication, d’engagement, de considération, de responsabilité, d’explicitation, de médiation, de collaboration, de mise en mots et en actes, d’analyse critique des missions et parfois de confrontation.
C’est un métier exigeant, complexe, « humanisant ». Souvent difficile à décrire dans ses différentes dimensions, l’éducation spécialisée doit cependant tendre à se dire, à se rendre visible.
La contribution du « groupe métier » formé d’éducatrices et éducateurs spécialisés exerçant dans divers contextes va dans ce sens. La formulation des compétences spécifiques et des principales fonctions qui caractérisent leurs activités et leur profil professionnel s’inscrit en prolongement des travaux de la Conférence des lieux de pratique qui a elle-même contribué à la mise en œuvre de la Haute Ecole Spécialisée Santé-Social de Suisse romande.
Ce travail s’adresse autant aux professionnels de l’action sociale et éducative qu’aux lieux de formation. Ceux qui l’ont élaboré souhaitent qu’il constitue une référence féconde et évolutive pour penser le métier, son inscription sociale et ses pratiques. »