philippefabry.eu, pour la formation en travail social Philippe Fabry » Formation » Placement en accueil familial » Le Placement familial : un long travail pour passer du conflit d’appartenance à l’acceptation d’une double appartenance. Le Placement familial : un long travail pour passer du conflit d’appartenance à l’acceptation d’une double appartenance.L’accueil d’enfants et d’adolescents en famille d’accueil est peut-être un «mal nécessaire» (selon les termes de P.D. Steinhaueur) mais il expose les différents acteurs de cette mesure de placement à une contradiction, contradiction qui peut devenir un paradoxe si elle n’est prise en compte et symbolisée. Cette contradiction fondamentale est que d’une part, le quotidien partagé dans la durée produit de la parenté et que d’autre part cette parenté d’accueil n’est reconnue ni légalement, ni culturellement, ni dans le champ professionnel du travail social. Pourtant ce type de parenté existe, a été théorisé par Anna Freud avec le concept de «parenté psychologique» et a eu une immense influence dans la conception anglo-saxonne de l’accueil familial. La parenté ainsi créée peut-être additionnelle ou se substituer à la parenté d’origine. Myriam David, de façon assez pessimiste exprimait que «c’est le propre du placement familial de faire de cet enfant (placé) un enfant partagé, divisé, qui lutte compulsivement pour et contre son appartenance tantôt à l’une, tantôt à l’autre de ses deux familles».[1] Ce conflit de loyauté est en partie psychologiquement inévitable mais tient aussi à un fond culturel (qui peut évoluer) que je propose de nommer « complexe de Salomon » : il faudrait éviter à tout prix que l’enfant ne soit tiraillé entre deux familles, et pour éviter préventivement ce conflit, la loi a tranché : tant qu’il n’est pas reconnu juridiquement comme enfant abandonné, l’enfant appartient à ses parents, et à eux seuls. Les parentés plurielles (selon l’expression d’Anne Cadoret) existent dans de nombreuses cultures, mais pas dans le champ du travail social en France.
La question de la durée
C'est ce qu'exprime bien June Thoburn à propos du système anglais d'accueil familial avant le chidren act de 1989 : « La plupart des problèmes dans les accueils permanents en famille d’accueil viennent de leur caractère légal et administratif ambigu, de la réglementation des placements. En dépit du fait que de nombreux enfants ont grandi, pendant des années, dans un accueil qu’eux et leur famille d’accueil voient comme permanent, l’accueil familial en Grande-Bretagne est défini légalement et administré comme s’il était temporaire.»
Lutter contre la norme de l’exclusivité
Ces contradictions sont plus ou moins fortes et peuvent s'atténuer si les adultes sont soucieux de ne pas coincer l'enfant dans des conflits de loyauté .
L'exemple des séparations parentales Jacques Gotbout (voir la fiche de lecture sur "le don, la dette et l'identité") permet de penser les conditions d'un accueil familial qui repose plus sur une alliance, que sur un conflit d'appartenance. Certaines assistantes maternelles ont un talent particulier pour aider les parents en difficulté à leur confier leur enfant (même quand le placement est imposé judiciairement) avec, en échange de ce "don" de confiance, un "contre don" : je défendrai votre place.
La question de l’autorité parentale C’est un autre fond anthropologique, une autre norme d’exclusivité (avec là aussi des efforts pour lutter contre cette norme) : ce qui compte est la stabilité de l’enfant et il faut protéger la parentalité de ceux qui apportent cette stabilité à l’enfant. Que ce soient les géniteurs, ou une famille d’accueil ou une famille adoptive, quand un enfant a trouvé sa stabilité affective, il faut la garder, et donc si un enfant s’est attaché à sa famille d’accueil, y a trouvé sa stabilité, le fait que le (ou les) parent(s) aille(nt) mieux, ne produira pas forcément un projet de retour en famille comme c’est le cas en France. Plutôt qu'un retour à tout prix, l'objectif premier est d'amèliorer la relation entre l'enfant et ses parents. [1] Myriam David, in “Le placement familial. De la pratique à la théorie” editions ESF, Paris 1989 Daniel Coum, dans une courte vidéo, illustre bien ce modèle de pluri-parentalité :
Date de cet article : 2006-11-03 Philippe Fabry » Formation » Placement en accueil familial » Le Placement familial : un long travail pour passer du conflit d’appartenance à l’acceptation d’une double appartenance. |