Les enjeux de la parentalité, par Didier Houzel

Ce livre fondamental résulte du travail d’une quinzaine de praticiens et théoriciens du social, pendant plusieurs années. C'est le résultat d'une commande du ministère de l'emploi et de la solidarité, et, dans la préface, Pierre Gautier (directeur de l'Action Sociale) dit l'ambition du ministère : produire, pour concevoir le soutien de la parentalité, l'équivalent de ce qu'ont été les travaux de John Bowlby, Geneviève Appel ou Myriam David concernant la protection de l'enfance.
L'ouvrage comprend trois parties différentes : tout d’abord dix situations exemplaires des difficultés que rencontrent les enfants placés en institutions et leurs parents -avant, pendant, et après les placements- et les difficultés en miroir que rencontrent les travailleurs sociaux pour contenir et élaborer les problématiques en question.
La 2° partie analyse les points communs de ces situations "paradigmatiques" et pointe la discontinuité des parcours des enfants, discontinuité alimentée autant par l’imprévisibilité des parents que par celle des institutions, d’où l’hypothèse d’une "contagion" des troubles psychiques.
Si les professionnels n’arrivent pas à élaborer les projections dont ils sont l’objet, alors ils risquent fort de se replier sur la rationalité limitée qu’ont leurs tâches dans le cadre de leurs institutions. Mais l’addition de ces rationalités défensives ne produit aucun sens pour les enfants et adolescents accompagnés. "Tout se passe, en effet, comme si les professionnels étaient la cible de projections qui les entrainent dans les mêmes dysfonctionnements que ceux de la famille d’origine. L’incapacité d’une équipe institutionnelle à bâtir un projet à long terme, la difficulté à coordonner les actions des différents responsables, peuvent être les reflets de cette imprévisibilité projetée" (pages 110 et 111).
Les pages 105 à 116 de ce livre pourraient être citées intégralement. Une distinction fondamentale est soulignée en référence aux concepts de stabilité et d’instabilité. Ce qui fait des dégâts c’est l’instabilité non élaborée.
"Il est frappant de constater que les cas qui évoluent le mieux ne sont pas ceux pour lesquels il y a eu le plus de travail effectué, ni ceux pour lesquels l’espoir était le plus grand, mais ceux qui ont permis l’organisation stable de représentations de l’enfant et de sa famille dans l’esprit des acteurs de la prise en charge." (p 113). On voit donc l’importance pour les professionnels d’une dimension réflexive dans l’analyse de leurs représentations de l’enfant et de ses parents.

La troisième partie présente les trois axes de la parentalité proposés par le groupe Houzel pour analyser ces phénomènes complexes :

• l’exercice de la parentalité
• l’expérience de la parentalité
• la pratique de la parentalité.

J’ai eu du mal à rentrer dans ces distinctions car je voyais tout d’abord le fait que ces trois termes sont des synonymes : pas d’expérience sans pratique, pas de pratique sans exercice… il y a là une mise en miroir qui me trouble. Voici comment ils sont distingués et articulés : "l’exercice renvoie à l’identité de la parentalité", un niveau symbolique qui renvoie à l’autorisation sociale, aux droits et devoirs des parents ; l’expérience renvoie aux fonctions de la parentalité, "l’expérience affective et imaginaire de tout individu impliqué dans un processus de parentification"(p115), la pratique renvoie aux qualités de la parentalité, "soins à l’enfant, interactions comportementales." Si l’enfant est élevé hors de chez lui, c’est le milieu d’accueil qui est en charge de l’exercice de la parentalité, ce qui va progressivement en développer l’expérience.

Une note de synthèse très approfondie de ce livre a été mise en ligne par le ministère de l’emploi et de la solidarité : cliquer ici pour lire la note

Voir aussi un historique et une analyse du concept de parentalité, par Dominique Doumont et Florence Renard : Parentalité : nouveau concept, nouveaux enjeux ?