"Martine Lamour, psychiatre, a exercé pendant 28 ans dans une unité spécialisée en soins psychiatriques pour jeunes enfants et leurs parents (centre Myriam David, Paris 13e). Les nourrissons exposés à des troubles graves de la parentalité, dans le contexte d'une psychopathologie parentale, ont été au coeur de sa pratique. Clinicienne, chercheuse et formatrice, elle a publié de nombreux articles ainsi que des ouvrages sur les perturbations des relations parents-nourrisson et leur impact sur les professionnels."
Fidèle à l'approche de Myriam David elle a le souci d'accompagner les professionnels et tout particulièrement de les soutenir dans leur confrontation à la souffrance des enfants et de leurs parents.
Voir à ce sujet cet article écrit avec Marthe Barraco "Accompagner les professionnels"
Au coeur de cette reflexion, la notion de "travail indirect" : si les professionnels ne sont pas aidés à symboliser, mettre des mots sur leurs propres souffrances, alors ils sont coincés dans des contre-attitudes éducatives associées au déni de la souffrance des personnes accompagnées.
Dans le livre présenté ici, que vous pouvez lire en ligne gratuitement sur le site yapaka.be, Martine Lamour décrit "l'impact désorganisateur de la psychopathologie familiale sur le fonctionnement des équipes". "Connaître et reconnaître cette souffrance au travail est indispensable afin de prévenir le « burn out » chez les intervenants et des dysfonctionnements graves dans les prises en charge des enfants et de leur famille."
Pour telecharger le livre, cliquer ici
Extrait :
"La séparation est trop souvent vécue comme destructrice,
trop rarement comme protectrice (Berger,
1992). Les professionnels craignent-ils que le
remède ne soit pire que le mal, et ce d’autant plus
qu’ils n’ont pas de nouvelles de l’enfant après la fin
de leur intervention ?
De fait, les réactions de chacun de nous sont différentes
suivant notre plus ou moins grande proximité
dans notre relation à la famille, suivant que nous
nous situons « du côté de l’enfant ou du côté des
parents » :
Quand nous nous situons « du côté des parents »,
nous sommes touchés par ces adultes fragiles.
Quand ils expriment leur crainte du placement
et leur attachement à leur enfant, nous sommes
enclins à les rassurer (à nous rassurer !). Nous minorons
alors inconsciemment les dangers qui pèsent
sur l’enfant et banalisons ses signes de souffrance.
C’est d’autant plus facile que ces derniers sont
discrets chez les bébés et pas toujours très bien
connus. Même si les signes de maltraitance, de
négligence sont évidents, le doute voire le déni
s’installe. La distanciation parents-enfant par le
placement de l’enfant est alors vécue comme
une « attaque » des parents (quels parents ?), voire
comme un danger vital (et si le père se suicidait ?) ;
nous ne pouvons pas reconnaître l’existence de
troubles graves de la parentalité et percevoir la
détresse du bébé, a fortiori évaluer sa souffrance
psychique et affective au quotidien.
À l’inverse, si nous nous situons « du côté de l’enfant
», sa détresse, l’absence de satisfaction de ses
besoins, la discontinuité des soins, les négligences,
les mauvais traitements dont il souffre nous sont
intolérables et nous font souhaiter un placement, le
plus rapidement possible pour le soustraire à ses
parents défaillants, sans tenir compte des liens qu’il
a noués avec eux et qu’ils ont noués avec lui.
Le contexte de nos interventions (domicile, institution),
notre formation professionnelle, le temps
passé auprès de la famille, etc., sont autant de
paramètres qui impriment des caractéristiques bien
particulières à nos interventions, à nos ressentis
dans nos rencontres tant avec la famille qu’avec les
professionnels du réseau.
Le travail à domicile, par exemple, nous expose
particulièrement. Aller à domicile, c’est entrer dans
l’intimité de ces familles. C’est se confronter à
l’absence de place de l’enfant réel, à la désorganisation
du lieu de vie, au climat incestuel. C’est
être happé par les dysfonctionnements familiaux
(Lamour, Barraco ; 2007).
Nous ressentons, nous partageons des émotions
souvent d’une grande violence, des pensées
troubles ... et des désirs fous de réécrire l’histoire
pour ces enfants en souffrance avant que ne
s’installe un sentiment d’impuissance devant la
« lourdeur du cas » et le désir de nous échapper de
relations qui nous mettent à mal."
Parents défaillants, professionnels en souffrance, par Martine Lamour [1ère de couverture]