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Profession : éducateur. De rencontres en rencontres., par Jacques Ladsous

Jacques Ladsous a présenté son livre le 24 mai 2012 à l'IRTS Paris ile-de-France. Voici le compte rendu de cette rencontre.

Je suis un éducateur, un vieil éducateur, j'ai commencé en 1946 j'ai eu plusieurs fonctions, de directeur, de formateur.
Une caractéristique : je n'ai jamais décroché du terrain, l'endroit où l'on comprend, progresse. Malgré les difficultés physiques qui sont les miennes je continue d'avoir des actions, à Grigny, et aussi auprès de SDF, un problème d'aujourd'hui. Je vais vous parler.
J'ai eu des titres honorifiques parce que mes pairs m'ont fait confiance, vice président du conseil supérieur de travail social jusqu'à ce Mr Sarkozy décide que j'étais un obstacle.
je suis rentré aux CEMEA en 1947 et j'en ai été vice président ; quand j'ai arrêté j'ai passé le relais à une femme.
je suis secrétaire général du musée social, le CEDIAS, musée créé par le comte de Chambrun, député progressiste de la 3° république ; il avait fait de son logement un lieu de réunion, « l'antichambre de la chambre des députés » ; il avait constitué beaucoup d'archives et il a fait don de son hôtel et de ses archives. Une bibliothèque de référence.
Appels d'offres pour des recherches et pour continuer d'exister.
Éducateur, ma profession. Il y a une différence entre profession et métier. Une profession, c'est un service à rendre, un engagement. Un métier c'est un art de faire. Ces derniers temps l'administration veut nous faire croire que c'est pareil.
La « marchandisation du social », cf Michel Chauvière. C'est la prestation de services vendus. Non, je crois aux services rendus, et qui doivent être reconnus par l'état, même si l'état confie le service public à des associations parce qu'elles sont plus proches du public que les administrations. Défendre les professionnels.
La nouvelle ministre est la fille d'Alain Touraine, espérons qu'elle soit plus proche de nous que les précédents qui ne l'étaient pas.
Dans notre profession une particularité : nous ne sommes pas des soignants, des conseillers mais des accompagnateurs des personnes ; nous sommes dans le vivre avec, le faire avec ; pas quelqu’un dans un bureau avec un téléphone , il partage des moments de vie et des moments d'action Chaque fois qu'un éducateur se prend pour un autre, par ex se prend pour un psychanalyste, il n'est plus éducateur.
Notre action peut avoir un effet thérapeutique mais je ne suis pas thérapeute.
Certains ont besoin d'un thérapeute en plus de la vie que nous partageons avec eux. Beaucoup de confusion, par exemple des éducateurs qui s'installent en libéral et qui reçoivent : ce ne sont plus des éducateurs.
Vivre avec, faire avec, partager.
Pas une profession mineure, mais majeure. Je signe mes livres « éducateur », profession nécessaire dans les situations que vivent les gens.
Le progrès technique, matériel, informatique, a engendré des difficultés pour un certain nombre de gens. Quand on a remplacé les poinçonneurs par des tourniquets, on a pas gagné en relations humaines : on ne parle pas avec un tourniquet ; on met en place des médiateurs pour rétablir des relations humaines. Un progrès ça se maîtrise.
Un de mes amis, psychiatre, le Pr Victor Girard, défendait une idée : le développement durable si c'est simplement pour faire durer les objets, ça a peu d’intérêt mais aider les gens à se développer : qu'est-ce qui est important : l'homme, ou son environnement ; les doivent aller de pair. Mais si on développe l'environnement contre l'homme ça pose problème. Le progrès technique a mis en difficulté un grand nombre de personnes.
Donner du sens à ce qu'on fait. Je ne vends pas des prestations. J'accompagne et je trouve avec la personne pour qu'elle trouve les aménagements nécessaires pour qu'elle passe sa vie dans des conditions.
Mr Guéant pense que notre métier devrait être celui d'agents normatifs. Remettre les gens dans le droit chemin. Il sont sortis de nos normes , les y remettre. M Guéant n'a pas bien étudié l’histoire. Si on revient à St Vincent de Paul, c'était un véritable révolutionnaire ; j'ai lu toute sa correspondance. Quand il écrivait aux filles de la charité, il disait si je vous envoie des enfants ça n'est pas pour qu'ils vivent la même vie que vous mais pour qu'ils progressent.
Souvent on oublie ça, une direction intéressante.
UN éducateur, à la fois quelqu’un qui est sur le terrain et dans l'antichambre du roi. ; à la fois qui vit avec les personnes en difficulté mais qui peut s'adresser aux politiques pour lui expliquer ce qu'ils ne comprennent pas.
Dans notre république, certains se prennent pour des monarques.
J'ai toujours défendu le rôle politique des professionnels et été renvoyé deux fois pur cela ; j'ai continué : les professions sociales ne peuvent faire abstraction du politique. Vous épousez la misère, la souffrance ; de deux choses l'une soit vous êtes du côté des miséreux soit vous êtes de l'autre côté.
Quand on me dit l'éducateur doit être quelqu’un de neutre, non, la neutralité c'est la fuite, devenir un ectoplasme.
Un certain nombre d'éducateur sont des ectoplasmes, des courroies de transmission du pouvoir.
La richesse n'appartient pas à tout le monde. Nous naissons égaux en droit mais inégaux ; nous sommes des médiateurs, travailler de façon que chacun ait le nécessaire et capable de faire reconnaître ses droits.
Constitution, art 1, nous sommes un république et une république et sociale ; une indivisible laïque et sociale. Penchez vous sur elle.
Position politique, pas politicienne. Défendre des formes d'égalité, de liberté, de fraternité. Je suis venu comme témoin.
Nous sommes amenés à prendre des positions qui nous mettent en danger, c'est mieux que de mettre ne danger sa conscience. Sur le terrain on ne peut pas ne pas voir, même quand u certain nombre de lois donnent satisfaction ; ex la loi sur les personnes handicapées, parfaite sur le papier, mais sur le terrain, les maisons départementales :certaines marchent d'autres pas du tout, certains politiques s'en moquent totalement ; ex lire la revue faire face, Barbier dit c'est un leurre ; combien de lieux sont accessible ; ex ici, il faut monter au 2° pour redescendre au 1°. L'accessibilité est en progrès.
Combien de salles spectacles, de lieux administratifs sont réellement accessibles ?
La loi de 2005 ne doit pas faire croire que tout est parfait, on est loin du compte.
La loi 2002 sur les usagers, sensée avoir révolutionné le social... Injurieux envers nous : on aurait pas considéré les usagers. Au départ des attendus magnifiques ; une posture nouvelle, pas de hiérarchie entre nous et ceux dont on s'occupe. Comment voulez vous parler à un SDF couché en restant debout ; s'assoir auprès d'eux. Perspectives d'une posture différente. Si on rentre dans le détail de cette loi et qu'on voit les propositions procédurières ; ce sont des gardes-fous pour l'administration. Comment penser qu'au bout d'un mois de relation on puisse passer un contrat qui soit un véritable contrat, entre des gens qui sont dans la merde et une institution. Qu'on dise à qoui nous nous negageons, oui,mais leur demander.

Certains ados que j'ai accompagné ont pu signer un contrat en partant ; mais le faire comme une espèce de chantage, un peu comme le RMI quand il était mal utilisé : on vous donne un peu d'argent, mais si vous n'avez pas de projet..
L'évaluation, je ne suis pas contre, je l'ai pratiqué toute ma vie ; quand on va quelque part on s'arrête pour savoir où l'on va. Indispensable.
Mais que peut-on évaluer avec des indicateurs nationaux ? Vouloir juger des « performances » des travailleurs sociaux, à travers sur des critères quantitatifs ; vous êtes efficaces si en 6 mois vous avez tout réglé.
Quand un président de conseil général dit aux AS que l'entretien ne doit pas durer plus de 20 minutes ; certains ont besoin de se répandre, se lâcher d'un trop plein. SI on a pas la patiente d'écouter ça n'est plus un entretien mais un questionnaire, un interrogatoire. La même chose dan s un commissariat.
Qu'est-ce qui distingue dans ces deux cas ?
Dans cet hôtel social, j'ai apprécié la capacité des travailleurs sociaux à accueillir « détendez-vous., soufflez ».
Si on dit prenez votre temps, soufflez, ça n'est pas pareil que de dire: « allez vite, vous n'êtes pas là pour longtemps ».
Accueil stressant d'un coté, et amical de l'autre. J'ai été quelques fois surpris d'entendre que nous devions être neutre mais aussi en retrait. Je ne sais pas : ou quelqu’un m’intéresse ou il ne m’intéresse pas . Si j'accueille je vais faire ressentir aux gens qu'ils comptent.
Deligny : on est pas là pour aimer les gens, mais sans amour il n'y a rien possible. Pas un amour qui possède.
Comment un enfant peut-il progresser sans amour ? J'étais dans un foyer accueillant des femmes battues avec enfant. Mère battue tellement exigeante avec son enfant de 5 ans, tiens toi droit, tiens bien ta fourchette.
Les ados les appellent « les mère chiantes » ; un enfant dans cette constante disciplines. L'enfant qui ne sait pas comment faire dit ; mais maman je t'aime. Si l''éducateur ne saisit pas ce je t'aime, pas de travail possible.
Cette exigence c'est une manière de battre.
On a décidé de mettre ne scène cette situation pour en discuter avec les administrateurs. Très intéressant, les éducateurs ont pu faire valoir tout c qu'il y a de délicat dans le travail, qui apparaît facile à l'extérieur.
Sans amour on ne peut rien. Si dans « profession d'éducateur » je dis que ce qui compte c'est la capacité d'aimer, c'est pas pour défendre la pédophilie. Mais les éducateurs qui n'osent pas toucher les enfants.. Tomckiewitz parlait bien de ce besoin de contact. Quand je dis l'essentiel c'est l'accompagnement, quand j'accompagne ça n'est pas moi qui donne le chemin.
Quand on m'a demandé de remettre sur le droit chemin mais je n'ai pas trouvé. Les normes simplifient beaucoup pour ceux qui ont un rôle de décision.
Accompagner sur le chemin de l'autre pour le comprendre et pour éviter les obstacles.
La 2° chose, c'est le partage. Le compagnon c'est celui qui partage le pain. Dans la prévention si j'invite quelqu'un à prendre un pot c'est pas par démagogie. Le repas c'est un moment extraordinaire.
Dans la commune où je suis conseiller d'opposition ; le maire avait prévue la distribution de soupe dans des gamelles. J'ai dit c'est tellement plus simple si on trouve une salle et si on partage la soupe ensemble, moi je peux la payer, lui pas, mais manger ensemble c'est tellement mieux.
Mon père me disait : si un pauvre te tend la main, serre d'abord la main ; souvent aux compagnons de la nuit j'entendais les SDF dire : je n'existe pas. Partager.
Delors, Jacquet, sont venus parler avec les SDF. Etre reconnu comme une personne Deux dimensions : individuelle et collective. Ne pas faire des gens égoïstes et fermés sur eux mêmes. En faire aussi des agents de convivialités. Différence entre distribuer la soupe et manger ensemble.
Le repas ne doit pas être rapide. Un en cas oui, un repas non. Chez moi la porte est toujours ouverte. Ma femme disait une porte fermée ça repousse. J'ai jamais été cambriolé. Sur la porte est marqué bienvenue en français, en arabe, en chinois. Cet espace est un espace d'éducation populaire.
Un jeune qui savait que ma porte était ouverte. Il a laissé un mot : je savais que tu as une petite réserve d'argent dans ton agenda, je t'ai emprunté un billet, à l'occasion je te le rendrai.

Un garçon un jour m'a dit, c'est embêtant : je connais tout de toi et moi je ne connais rine de toi. J'ai joué le jeu et j'ai raconté ma jeunesse pour qu'il comprenne qu'il n'y a pas de modèle, c'est de rencontre en rencontre qu'on se construit. J'ai appelé mon livre « de rencontre en rencontre ». Vous êtes en formation continue au travers de ceux que vous rencontrez.
Je dois beaucoup à ces jeunes révoltés en souffrance. Je me rappelle avoir contribué à l'association « les handicapés méchants ». Je me rappelle de Aïcha , très virulente ; j'ai des envies, des pensées comme toit le monde. Quand je parle d'amour je ne parle pas de pitié, je n'ai pas de pitié mais je m’intéresse à tous ceux que je rencontre.
Des rencontres on en a tous ; par exemple je lis un bouquin, le livre m’intéresse, j'appelle l'auteur. Personne ne m'a jamais dit non. J'ai rencontré Bourdieu, Morin. Savoir bénéficier de la richesse des gens.
J'ai bcp d'amis dans le théâtre. J'ai longtemps été président du théâtre du fil. Quand je faisais de la prévention avec Flavigny aux arènes de Lutèce. La « mouf », animée par une éclaireurs e de France avait ouvert un théâtre, j'ai rencontré Jouvet, Restructurer sa personnalité au travers de la fiction Passer à la représentation c'est tellement mieux que de passer à l'acte. Je fais du rap « L'inconnu du BLB » atelier d'écriture. François Villon, on peut être bandit et poète. Le maire qui avait dit que l'entreprise était démagogique, a repris le succès à son compte. Tans mieux si ça permet que le climat soit meilleur.
Je me sers souvent des comédiens. Ex le foyer femme battues, j'ai appelé une comédienne qui a aidé. Être un spectateur actif, c'est comprendre le sens : pourquoi ces choix ?

Question : quelle a été votre expérience préférée ?
l'expérience que je préfère est celle que j'ai conduite en Algérie, j'ai été créateur d'une comunauté d'enfants, démocratique ; les enfants avaient autant le droit de progresser. Un lieu avec des tas de différences : des musulmans des chrétiens des juifs des agnostiques des athées. J'avais décidé de fêter toutes les fêtes. On était en fête souvent ! Mais aussi expliquer les fêtes leur importance spirituelle. Et ça a permis une fraternité importante. La guerre a commencé et l'armée ne voyait pas d'un bon œil L'armée m'a emprisonné, un général m'a fait emprisonné un autre m'a fait libérer. Mais la maison a été réquisitionnée. Expérience très riche car les différences devaient être articulées pour se comprendre, sans haine ni soumission ; Une AG par mois qui pouvait être préparée par un enfant, un éducateur ou moi.
Un peu la pédagogie de Korjak Je ne le connaissais pas Je croyais beaucoup à la parole des enfants et au mélange Article : maison polyvalente, éducateur polyvalent. Mélange de jeunes handicapés physiques, mentaux psychiques.. ils s'aidaient les uns les autres. J'y suis retourné il y a 10 ans et beaucoup sont venus me voir et ont dit leur découverte de la démocratie. On ne peut pas faire sans les personnes, elles doivent être associés. La vie collective permet le partage.
Quand on voit les problèmes d'alimentation dans les cantines, ça n'était pas un problème : on vivait tout ensemble mais on alignait pas tout le monde sur le même modèle. 1° maison à embaucher des algériennes. Elles sont arrivées avec un voile : on peut le garder ? Si vous voulez. Les gens ont accepté de ne pas être rigoristes. Le pb ça n'est pas les religions mais le rigorisme. Si on vit ensemble ça n'est pas compliqué. En tant que directeur j'ai laissé ma porte ouverte

Questions : le travail avec les parents
Quand j'étais directeur d'Ourvary, je recevais des « réactionnels », sortant de prison, de psychiatrie. Le père Wrésinsky est venu me voir et m'a dit, quand-est-ce que tu arrêteras tes conneries ?
Quelles conneries ?
Tu as deux jeunes de ma paroisse et tu convoques les parents et ils viennent pas, mais les pauvres on les convoque pas, on va à leur rencontre.
Je me suis dit mais pourquoi j'ai attendu tant de temps à comprendre ça. J'avais utilisé une formule administrative pour aller à la rencontre de gens.
Pour un pauvre, la convocation c'est la signification d'une erreur qu'ils ont faite et dont ils doivent rendre compte.
Expérience de croisements de savoirs. Arriver à vivre bien. J'étais deux ans auprès des nomades. Le Gadjé que j'étais n'était pas reçu 5 sur 5 mais en vivant avec eux c'était intéressant.
J'étais dans l'idée qu'ils étaient des voleurs d'enfants et j'ai compris qu'ils avaient recueilli des enfants abandonnés sur les routes.
Je suis contre les annexes 24. On a rien à gagner à compartimenter par handicap. La fable de LaFontaine, l'aveugle et le paralytique : mettre ensemble les difficultés pour y répondre.

Question L'éducateur dans l'éducation spécialisé.
Je sais ce que c'est un éducateur. Mais éducateur spécialisé...Je suis généraliste, pas spécialisé du tout. Je m'adapte aux différents publics. Si je revendique le titre d'éducateur ej ene revendique pas du tout « spécialisé ». Pourquoi ce mot ? Car à l'époque où l'on a commencé on s'appelait éducateur et les enseignants ont dit : nous aussi on est éducateurs. On a ajouté « spécialisé ».
Aujourd'hui il est possible de refonder l'école d'une autre manière. Un séminaire réuni pendant deux ans avec des propositions. Dans la réforme Langevin Wallon, c'était mélangé, des équipes éducatives enseignants et animateurs. En combinant les deux on va avoir des équipes fortes, en ajoutant des soignants. A l'époque les enseignants n'ont pas marché. Aujourd'hui ils sont tellement en souffrance qu'ils sont plus prêts.
A Tcheliabinsk, toutes les écoles ont des salles d'accueils des parents avec cafétéria, un théâtre, une école de musique, des soignants des éducateurs des rééducateurs des profs J'ai vu 121 écoles dans cette ville Les enfant arrivent, prennent leur feuille de route, avec des activités et tous les jours une heure de rencontre pour que l'école ait un sens social.

Question / au séminaire On en avait marre de revendications précises, catégorielles ; envie de rebâtir. On a lancé un séminaire pendant 2 ans et demi avec Nicole Questiaux, des pros de terrains des directeurs, interdisciplinaire.
Nous avons déposé 7 cahiers de 4 pages : refondation de l'école, de la justice, la refondation de la formation, de l'éducation populaire. L'important n'est pas d'apporter du savoir mais de le faire émerger. Voir le site 789 radio sociale. Voir le livre « reconstruire l'action sociale

Pourquoi je suis devenu éducateur ? Parce que j'ai eu un père extraordinaire, avec une confiance extraordinaire dans l'homme, qui disait qu'il n'y a pas d'hommes qui ne soit digne de vivre.
J'ai vu mon père s'adapter à toute situation. Confiance dans la possibilité de progresser. Il y a eu la guerre, je faisais partie d'un groupe de lycéens résistants, ça sentais le roussi ; mon père m'a envoyé dans le maquis. Le responsable, le colonel de Chambrun m'a dit :tu es un peu jeune pour porter un fusil mais des parents ont laissé des enfants, on les a accueilli. Il m'a dit tu va t'occuper d'eux. 20 enfants de 8 à 16 ans, j'en avais 17.
Consigne qu'ils vivent, ne pas mettre leur chagrin de coté mais qu'il n'empêche pas d'avancer. J'aimais jouer. J'ai joué avec eux.
J'avais une petite qualité : je savais raconter des histoires, qu'est-ce j'ai pu en raconter. Avec les histoires et le jeu j'ai inventé une vie collective. Il fallait se nourrir, négocier avec les paysans faire des travaux pour qu'ils nous donnent à manger.
L'hospitalité dans des granges ; on a vécu en plein air. C'est là que j'ai découvert l'éducation nouvelle, de plein vent ; il fallait vivre. Analyser les simples les champignons, savoir faire un feu, etc.
ça m'a tellement plu que je me suis dit c'est cette vie là que je veux faire. Je me suis dit je vais être professeur. Wallon venait de créer le classes nouvelles.
En un an j'avais obtenu un licence. Responsable d'une classe de latin en 6° à Montpellier. Dans la rue plein de latin. On allait le lire dans la rue. Ça plaisait pas beaucoup au proviseur. Wallon avait été dégommé , on a fermé les classes nouvelles. Le proviseur m'a dit : ou vous changez de méthode ou vous prenez le large.
J'ai travaillé avec ceux que ma mère appelait les voyous, je les invitais à la maison. Puis je venu travailler à Paris aux arènes de Lutèce, puis dans un centre d'observation sous la coupe du Professeur Lafont.
J'avais appris de Wallon qu'on observe jamais quelqu'un sans le lui dire, sinon c'est de l'espionnage. Je leur disais, je faisais des fiches et je leur faisais lire. Ils me disaient là tu t'es trompé. Je les invitais aux synthèses, ça troublait Lafont : vous n'avez vraiment pas l'esprit scientifique.
Lafont : « avec moi il faut se soumettre ou vous démettre. ». En me démettant huit éducateurs sont partis avec moi. On a rencontre le Pr Suter qui cherchait une équipe pour Alger.
On a déchanté en rencontrant le Pr Poreau. : « les algériens ayant un cerveau plus petit ne peuvent être que des subalternes... »
Un centre dans un hôpital. Une équipe complètement française dans un pays inconnu. Mais les circonstances..il y a eu un tremblement de terre. Le responsable de la Croix rouge m'a dit : vous avez 120 enfants est-ce que vous pouvez en prendre 120 autres ?
Oui mais à une condition que je puisse embaucher des algériens et des algériennes. Cette idée de l'observation je l'ai poursuivi. Je ne comprends pas qu'aujourd'hui encore on puisse faire des synthèses sans les gens. Importance d'entendre comment on les voit comment ils nous voient, pour trouver son chemin. Je suis complètement hostile à l'idée qu'il puisse exister des incasables. Un éducateur n'a pas le droit de condamner à mort comme cela. Cela ne veut pas dire qu'on puisse tout supporter. Quand on avait des jeunes insupportables je les envoyait dans la Trappe de mon frère moine. Des séjours non de rupture, mais de répit.
On créée un réseau à l'image de Deligny avec la grande cordée.
A l'époque la possibilité de faire le tour de France d'auberge de jeunesse en auberge de jeunesse. Ne pas enfermer les jeunes et les forcer à se fixer. Ils devaient dire où ils allaient. Avec le CEDIAS et le GERPLA, faire qu'il y ait dans ces réseaux toujours une place ouverte. Une charte.

Discussion : Philippe Fabry : certains incasables auraient besoin d'être adoptés : ils n'ont été suffisamment adoptés ni par leurs parents ni par leurs milieux d'accueil.
R: L'adoption c'est pas une sinécure. J'ai adoptés. Quand mon fils à 14 ans a voulu vivre chez une proche, ça a été difficile ; deux ans plus tard il est revenu en disant c'est ici ma place. Les gens suivent leur chemin ; quand on a une idée préconçue...ex une mère adoptive qui disait mon fils je veux qu'il soit ingénieur..
Un très bon livre : « l'observation partagée » de Ruth Khon. J'ai été au conseil scientifique du CTNERHI et j'ai retrouvé celui qui m'avait dit que je n'étais pas scientifique...mais il m'a dit : on les seuls à faire remonter les choses du terrain. Trop de recherches partaient de théories, d'idées.
Je ne crois pas à la distance, je crois au recul, s'abstraire de la situation pour y réfléchir. On me dit tu mélanges ta vie privée et pro, eh bien oui, je suis le même. SI j'ai une appétence pour l'être humain je l'ai dans mon quartier aussi.
Quand je suis allé au domicile des parents boire le café, un éducateur m'a dit : tu n'auras plus de distance. Mais je n'en ai jamais eu !
Si j'ai une relation aimante avec les gens ça n'est pas pour les considérer comme des objets. Si je les prends comme des objets c'est là
L'amour, le sens de la découverte, l'insoumission (je ne veux pas me soumettre à un ordre établi), la fidélité aux principes. Si j’appuie ma pratique sur une philosophie, que l'homme est toujours perfectible, je dois m'y confronter.
J'ai été profondément choqué par les paroles de Sarkozy sur Mohamed Merra : cet homme n'a pas le droit de vivre. Je crois philosophiquement à la réhabilitation de tout homme et de toute femme. On a des déception on croit qu'on est arrivé et ça repart.

BIBLIOGRAPHIE
« Le projet social dans la solidarité nationale ».
« Profession éducateur », éditions L'Harmattan, Paris 2008
« reconstruire l'action sociale », éditions Dunod, 2006
« L'action sociale aujourd'hui », éditions Erès 2004

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Profession : éducateur. De rencontres en rencontres., par Jacques Ladsous [1ère de couverture]

Profession : éducateur. De rencontres en rencontres., par Jacques Ladsous [1ère de couverture]


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