philippefabry.eu, pour la formation en travail social Philippe Fabry » Livres » Peter Voll : La protection de l'enfance : gestion de l'incertitude et des risques. Recherche empirique et regards de terrain. La protection de l'enfance : gestion de l'incertitude et des risques. Recherche empirique et regards de terrain., par Peter VollCet ouvrage rend compte d'une recherche associant des chercheurs (qualitativistes et quantitativistes, et particulièrement des juristes spécialistes des mesures de protection des majeurs) et des professionnels de la protection de l'enfance en Suisse.
Par rapport à la France la comparaison est très éclairante, tout d'abord parce que l'entrée dans le système de protection de l'enfance s'y opère très différemment (en Suisse les deux principaux motifs sont l'absence de père déclaré à la naissance de l'enfant, et la séparation des parents), le vocabulaire est différent, et beaucoup plus clair en Suisse : le contrôle social n'y est pas présenté comme du soutien mais comme un empiétements sur l'autorité parentale (et c'est peut-être ainsi qu'il peut fonctionner comme soutien), ceci avec des motifs et des principes clairs.Les voici présentés par le Le Guide social.ch : "Le Code civil Suisse a prévu une série de mesures, d'intensité croissante, qui doivent:
Dans ce livre, le focus est mis sur l'organisation concrète : le nombre d'intervenants, la temporalité et la levée des décisions de protection en croisant quatre grandes familles de contextes : culturelle-linguistique (francophone et germanophone) ; ville-campagne. Ce livre est d'ailleurs l'occasion de découvrir des références théoriques germanophones méconnues en France. Après avoir présenté ce livre j'exposerai une critique quant à un arrière plan idéologique des auteurs, "l'idéologie du retour" : tout placement devrait aboutir à un retour, sinon c'est un échec. Chapitre 1 : la mise en danger de l'enfant. Ce chapitre est très intéressant pour les français car l'approche du danger, les catégorisations, sont très différentes des nôtres. Si l'on considère, par comparaison, le rapport Naves-Cathala (2000), voici, à partir de 114 situations, les catégorisations proposées en France :
Dans la recherche suisse , les mesures de protection sont associées dans 71% des cas à des « enfants pris en étau dans le conflit parental ». La deuxième cause est celle des carences affectives (15%) puis la maltraitance physique (6%), les conflits d'autonomie (5%), les cas d'abus sexuel (3%) Cette différence énorme sur la part des conflits dans le rapport Naves-Cathala et dans cette recherche tient sans doute à des différences culturelles majeures : en Suisse, si à la naissance le père de l'enfant n'est pas désigné par la mère, il y a automatiquement une curatelle, pour défendre le droit de l'enfant à connaître ses origines. C'est aussi une approche morale : c'est au père, et non à l'état, d'être le premier protecteur de la mère et de l'enfant. D'autre part la justice intervient beaucoup plus dans les divorces (en Suède et en Allemagne une médiation est obligatoire s'il y a un enfant de moins de seize ans lors du divorce). Par comparaison, on peut voir qu'en France l'absence très généralisée de collaboration entre le juge des enfants et le juge des affaires familiales a des effets négatifs sur la protection de l'enfance. Cela a d'ailleurs poussé la défenseur des enfants,Dominique Versini, en 2008, a produire un rapport spécifique sur cette question :"l'enfant au cœur des séparations parentales conflictuelles". Andréas Jud propose six catégories, à partir de l'approche de Münder : Les trois formes de maltraitances : physiques, sexuelles (aux définitions peu contestées), psychologiques ; les carences éducatives ; les conflits d'adultes autour de l'enfant ; les conflits d'autonomie. En référence à Brofennbrenner (1979), il ne s'agit pas de caractéristiques propres à l'enfant, mais « des configurations qui trament de multiples façons son environnement ». Les catégories des maltraitances psychologiques et les carences éducatives sont soigneusement définies par Andréas Jud, toujours en référence aux travaux de Münder. Il note qu'elles sont les plus fréquentes et les moins définies des notions. La négligence peut essentiellement se définir comme le fait de ne pas répondre aux besoins de l'enfant, activement ou passivement. Centrée sur l'enfant et ses besoins elle ne se réfère pas à son caractère intentionnel ou non. Le plus souvent c'est parce que les parents sont dépassés du fait de problèmes multiples, les plus fréquents étant la pauvreté, la toxicomanie, les troubles psychiques. Par maltraitante psychologique, deux types de comportements sont désignés : ceux qui terrorisent l'enfant ; ceux qui « le rabaissent, l'humilient, le surmènent ou lui donnent le sentiment d'être rejeté et de n'avoir aucune valeur. » (p 38) Introduit par Münder et all (2000), le conflit d'autonomie se rapporte « au processus d'autonomisation de l'adolescent vis à vis de ses parents. « La confrontation sur fond de crise provient du décalage dans les représentations normatives des uns et des autres. » (p 39). On ne parle de conflit que si la famille n'arrive plus à maîtriser ce processus propre à l'adolescence. Les conflits d'adultes autour de l'enfant sont avant tout liés aux séparations parentales conflictuelles mais comprennent aussi les conflits entre parents et parents nourriciers, parents et grands parents. "La plupart des conflits d'adultes autour de l'enfant ont en commun le mépris pour la relation que l'enfant entretient avec une autre personne de référence." Andréas Jud note que 43% des retraits du droit de garde sont liés aux situations de négligence. Il y a donc un écart entre la banalisation liée au terme "négligence" ( par rapport au terme "maltraitance"), et sa fréquence comme motif pour la mesure de protection la plus lourde : "les cas de négligence concentrent à eux seuls 69% de tous les renforcements des mesures". A Jud pense que c'est lié d'une part au fait que les parents, dépassés, contestent peu ces mesures, et d'autre part à un effet de paliers : après l'échec de mesures moins fortes, celle-là s'impose aux intervenants. L'auteur fournit une autre explication ultérieurement : l'âge de l'enfant. Le retrait du droit de garde est prononcé dans 36% des cas suite à des maltraitances et dans 28% des cas suite à des conflits d'autonomie. Dans les conflits d'adultes sa part est marginale (4%) « puisque la garde peut être confiée à un des deux parents. Toujours en se référant à Bronfenbrenner, A Jud part du premier cercle, l'enfant, et cherche un lien entre trois caractéristiques de l’enfant : le sexe, l'âge et la nationalité. La répartition par sexe ne fait pas ressortir de différences, mais la répartition par âge n'est pas la même selon la mise en danger. Évidemment les conflits d'autonomie concernent les plus âgés, 15 ans en moyenne. Il est de 9 ans pour la première intervention pour violences physiques, de 5 ans pour les négligences. Les filles ont en moyenne, 2,4 ans de plus que les garçons au moment du signalement. Pour les enfants victimes de sévices corporels, l'écart est le plus grand : 3 ans pour les garçons, 11 ans pour les filles. A noter : toutes les filles ont plus de sept ans à l'instauration d'une mesure. « la psychiatrie infantile nous enseigne que les garçons se distinguent des filles par des comportements plus visibles et manifestes dans la prime enfance et que la plupart des troubles de l'enfance touchent les garçons. Cottier note que les garçons à l'adolescence relèvent souvent du droit pénal, et pour les filles du droit civil. « Enfin l'analyse met au jour une réalité qui laisse songeur, à savoir que dans l'échantillon sous analyse, toutes les filles victimes de mauvais traitements corporels sont issues d'un contexte de migration. » (p 45) En référence à Steinhausen (2000), A Jud analyse les troubles du comportement à partir des critères suivants : agressivité ; dyssocialité ; comportement sexualisé ; baisse des performances scolaires, abus de substances, difficulté à réguler la distance à autrui ; comportement auto-destructeur ; symptômes somatiques. Ces troubles sont plus ou moins gênants donc plus ou moins repérés. Le conflit d'autonomie a un profil « quasi classique », avec baisse des performances scolaires, abus de substances, agressivité, dyssocialité. La difficulté à réguler la distance est plus liée aux carences affectives précoces ; les enfants pris en étau dans le conflit parental n' affichent pratiquement pas de troubles du comportement. Chez les enfants physiquement maltraités les troubles sont plutôt somatiques et la baisse des performances scolaires. L'environnement familial Ce sont les familles qui maltraitent physiquement leurs enfants qui cumulent le plus de problématiques : la pauvreté et les conflits avec la loi sont omniprésents. La plupart des famille est issue de l'immigration. Dans des circonstances difficiles, "les coups servent de soupape et ce sont les maillons les plus faibles qui paient pour le désarroi parental" Dans la catégorie enfants négligés, il y a un problème de toxicomanie dans 45% des cas et dans 51% des cas un trouble psychiatrique , ceci fréquemment dans un contexte de pauvreté (47%). Les maltraitances psychiques sont peu détectées et sont plutôt concomitantes à d'autres problématiques. Dans les conflits d'autonomie, les familles ne sont pas particulièrement en difficulté mais les jeunes vivent le plus souvent avec leur mère seulement. Ces définitions sont détaillées dans le premier chapitre accessible en ligne :
Le chapitre "Qui s’occupe de la protection des mineurs ?" débute sur un constat : on peut mesurer la gravité d'une situation au nombre d'intervenants. Il y a en moyenne une quinzaine d'intervenants, et ce nombre augmente au fur et à mesure de la complexité du cas d'une part et du degré de restriction des droits parentaux d'autre part. "Présentation de l'éditeur :"Que se passe-t-il lorsque des parents ne sont pas en mesure d'assurer des conditions adéquates au développement ou au bien-être de leur enfant? Comment les autorités et services concernés agissent-il? Quels sont les difficultés, les obstacles ou les résistances - institutionnels ou privés? Comment les différentes instances collaborent-elles dans ce domaine? Ce livre est aussi l'occasion d'analyser le système français de protection de l'enfance, par comparaison. Le code civil suisse est beaucoup plus simple que le code civil français ; il est concret et ne cherche guère le politiquement correct.
La protection de l'enfance : gestion de l'incertitude et des risques. Recherche empirique et regards de terrain., par Peter Voll [1ère de couverture] Philippe Fabry » Livres » Peter Voll : La protection de l'enfance : gestion de l'incertitude et des risques. Recherche empirique et regards de terrain. |