philippefabry.eu, pour la formation en travail social Les Héritiers, par Pierre Bourdieu et Jean-Claude PasseronThomas Picketty a écrit sur son blog un résumé de ce livre, sous ce titre: "l'inégalité en héritage"; il propose de relire "les héritiers" pour éclairer les débats sur l'accès aux études supérieures aujourd'hui (et notamment les débats sur "Parcoursup"):
"Chaque société a besoin d’un grand récit pour justifier ses inégalités. Dans les sociétés contemporaines, il s’agit du récit méritocratique : l’inégalité moderne est juste, car elle découle d’un processus librement choisi où chacun a les mêmes chances. Le problème est qu’il existe un gouffre béant entre les proclamations méritocratiques officielles et la réalité. Aux Etats-Unis, les chances d’accès à l’enseignement supérieur sont presque entièrement déterminées par le revenu des parents : elles sont d’à peine 20 % pour les 10 % les plus pauvres, et dépassent 90 % pour les 10 % les plus riches. Encore faut-il préciser qu’il ne s’agit pas du tout du même enseignement supérieur dans les deux cas. Il est possible que les choses soient un peu moins extrêmes en France. Mais en vérité on ne sait pas très bien, car il est impossible d’accéder aux mêmes données." "Quand Pierre Bourdieu publie en 1964 « Les héritiers », il a tout juste 34 ans. Fraichement converti de la philosophie à la sociologie à la suite de son service militaire en Algérie en 1956-1958, il signe avec Jean-Claude Passeron ce qui va devenir un grand classique de la sociologie des inégalités et des classes sociales. Il a délaissé les mémoires sur Leibniz pour se consacrer aux enquêtes ethnographiques et statistiques, d’abord sur le terrain algérien et colonial, puis en s’intéressant aux étudiants français et aux rapports de domination culturelle et symbolique qui se nouent en leur sein.
Quand on relit cet ouvrage, plus d’un demi-siècle plus tard, on est frappé par l’efficacité et l’actualité du projet. Le livre est sobre et court (184 pages), mais sans concession, accompagné de dizaines de tableaux et de graphiques conçus avec le plus grand soin, à partir de multiples enquêtes sur les origines sociales des étudiants, leurs pratiques culturelles, leurs attentes et leurs stratégies.
"Si l’école aime à proclamer sa fonction d’instrument démocratique de la mobilité sociale, elle a aussi pour fonction de légitimer – et donc, dans une certaine mesure, de perpétuer – les inégalités de chances devant la culture en transmuant par les critères de jugement qu’elle emploie, les privilèges socialement conditionnés en mérites ou en “ dons ” personnels. À partir des statistiques qui mesurent l’inégalité des chances d’accès à l’enseignement supérieur selon l’origine sociale et le sexe et en s’appuyant sur l’étude empirique des attitudes des étudiants et de professeurs ainsi que sur l’analyse des règles – souvent non écrites – du jeu universitaire, on peut mettre en évidence, par-delà l’influence des inégalités économiques, le rôle de l’héritage culturel, capital subtil fait de savoirs, de savoir-faire et de savoir-dire, que les enfants des classes favorisées doivent à leur milieu familial et qui constitue un patrimoine d’autant plus rentable que professeurs et étudiants répugnent à le percevoir comme un produit social." (présentation de l'éditeur)
Les Héritiers, par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron [1ère de couverture] |